Valls et Sapin snobent les propositions du PS

On ne change rien. Malgré une croissance nulle au second trimestre, le gouvernement n’a absolument pas l’intention de changer de politique économique. «Ces chiffres nous encouragent à maintenir le cap et à poursuivre nos efforts pour amplifier la reprise de la croissance et créer davantage d’emplois», a lancé vendredi le Premier ministre Manuel Valls depuis Avignon où il faisait – à nouveau – une pause dans ses congés en visitant une entreprise. Solennité du moment oblige, le chef du gouvernement avait remis sa veste de costume après plusieurs déplacements d’été en chemise légère: «Je vois plusieurs signaux positifs et intéressants: le dynamisme des exportations avec +3% sur le premier semestre en cumulé, l’investissement des entreprises qui repart. […] C’est le signe d’entreprises plus compétitives qui regardent l’avenir avec confiance et qui investissent.»

Gouvernement vs PS? 

Pas question, donc, de changer quoi que ce soit en vue du budget 2016 en préparation. Avant de partir en congés, Valls avait déjà expliqué à quelques journalistes que son gouvernement ne toucherait pas au «pacte de responsabilité» et au crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), pierres angulaires de la politique économique de François Hollande. «C’est en gardant une politique économique cohérente que nous confortons la croissance aujourd’hui, et permettons une ferme reprise de l’investissement et, enfin, le recul du chômage, insiste ce vendredi dans Le Monde, le ministre des Finances, Michel Sapin. Le CICE doit donc continuer à monter en charge, il est désormais bien identifié des chefs d’entreprise. Le Pacte de responsabilité et de solidarité doit aussi être déployé dans l’enveloppe budgétaire prévue.» Soit: Bercy ne tiendra aucun compte des positions du Parti socialiste.

Pourtant, dans le cadre du congrès PS de Poitiers mi-juin, tous les membres socialistes du gouvernement ont signé la motion majoritaire du premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. Le texte était clair: «Les 15 milliards du « pacte » qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics.» Le 27 juillet, le bureau national du PS a aussi voté à la quasi-unanimité (moins les voix des amis de Manuel Valls et des Réformateurs, petit courant en cours de formation et classé à la droite du parti) un rapport proposant «six mesures économiques et fiscales pour réussir la fin du quinquennat». Ce texte étant le fruit du travail de la commission budget 2016 du parti, présidée par le numéro 2 du PS, Guillaume Bachelay et dont le rapporteur était Jean-Marc Germain, très proche de Martine Aubry.

«Capitaine du Titanic»

Parmi ses propositions, on retrouve plusieurs «conditions» posées au versement du CICE ou des baisses de cotisations prévues par le «pacte». Si le CICE est maintenu «dans son volume prévu», les socialistes demandent son «évolution progressive vers un dispositif inspiré du crédit d’impôt recherche». Soit: que le CICE soit versé à condition que les entreprises investissent dans le «numérique», la «transition énergétique et écologique», la «formation et l’apprentissage»… Et «pour rendre pleinement effectives les contreparties demandées aux entreprises», poursuit le rapport, «la dernière tranche de baisse de cotisations patronales serait réservée aux entreprises couvertes par un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise». Le CICE serait aussi «conditionné au respect de l’obligation d’information et de consultation des représentants du personnel».

A entendre Valls et Sapin, il y a donc très peu de chances pour que ces propositions soient reprises à la rentrée dans la prochaine loi de finances pour 2016. Au grand dam de l’aile gauche du parti: «Ils sont enfermés dans un dogme « plus libéral que moi tu meurs »», regrette l’un de ses chefs de file, le député de la Nièvre, Christian Paul. Pourquoi tant d’aveuglement alors que le PS propose une alternative crédible: investissement dans les collectivités, soutien ciblé à l’investissement des entreprises et baisse des premiers taux de CSG pour aider les ménages les plus modestes?» Encore plus à gauche, on dépeint un Manuel Valls en «capitaine du Titanic»: «Manuel Valls, contre toute évidence, continue à plastronner, dénonce le coordinateur du Parti de gauche, Eric Coquerel. Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour imaginer ce résultat causé par la politique d’austérité.» Le même jour, Valls annonce que le retour de la croissance passe par «la deuxième loi que prépare Emmanuel Macron» et les «réformes qui doivent aussi concerner le marché du travail». Pas de quoi parler à sa gauche.