L’autotest sida arrive enfin en pharmacie

Il vaut autour de 25 euros, cela dure 15 minutes et il se fait à partir d’une simple goutte de sang. L’autotest sida est là, il arrive. Et on le trouve en vente libre à partir de ce mardi dans toutes les pharmacies de France.

C’est une petite révolution, mais elle aura mis bien du temps à débarquer en France, pays toujours rétif à l’autoconsommation médicale. Aux Etats-Unis, ces tests sont, par exemple, accessibles depuis trois ans. En tout cas, c’est simple. Après l’avoir désinfecté avec la lingette fournie, l’utilisateur pique le bout de son doigt à l’aide d’une aiguille. Il prélève ensuite une goutte de sang, grâce à l’embout du test, qu’il place sur le support. Celui-ci détecte et révèle la présence d’anticorps du VIH. Les résultats apparaissent au bout de 15 minutes : une barre si c’est négatif, deux si c’est positif. Après ? Comment interpréter les résultats ? Si le résultat du test est positif, il est conseillé à l’utilisateur d’appeler son médecin ou Sida info service (0 800 840 800, anonyme et gratuit), «afin de ne pas rester seul face au diagnostic». Il sera ensuite orienté vers une prise en charge adaptée.

30 000 personnes ignoreraient leur séropositivité

Enfin. Cette arrivée est d’autant plus nécessaire que la France a toujours une grande particularité sur le front du sida : tous les ans, on évalue entre 6 000 et 7 000 le nombre de nouvelles contaminations, ce qui est loin d’être négligeable. Et cela, alors même que la France est un des pays où il y a le plus de tests réalisés par an (plus de 5 millions) mais, manifestement, ils ne touchent pas les groupes les plus sensibles. D’où l’intérêt de ces autotests, des études récentes le confirment.

L’équation est connue : on évalue à près de 30 000 le nombre de personnes ignorant leur séropositivité, parmi lesquelles un tiers sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, un autre tiers sont des personnes originaires d’Afrique subsaharienne et le dernier tiers sont des hétérosexuels nés en France. Ces personnes, qui ignorent leur statut, seraient à l’origine d’au moins 43% des nouvelles infections. «Faciliter le dépistage répété des populations les plus à risque est une priorité de santé publique en France afin de diminuer la taille de l’épidémie cachée», explique l’Agence nationale de recherche contre le sida (ANRS) qui précise que «pour atteindre cet objectif, il fallait diversifier encore l’offre de dépistage».

Anonymat, praticité, rapidité

Sous l’égide de l’ANRS, une première étude sur les autotests a été réalisée en 2009 par Tim Greacen, de l’établissement public de santé Maison Blanche à Paris. Interrogeant 9 000 hommes homosexuels recrutés sur Internet sur leur connaissance de l’existence de cet autotest, alors non autorisé à l’époque, 30% ont dit connaître son existence, «mais seulement moins de 1% se l’était procuré». Parmi les 5 900 répondants qui déclaraient ne pas être séropositifs, 86,5% exprimaient leur intérêt pour le test. «Vivre sa vie de gay dans le secret absolu se révélait associé à l’intérêt pour l’autotest», expliquait, alors, Tim Greacen. Clairement, cette première étude pointait que «l’autotest pourrait potentiellement permettre d’atteindre une population très exposée au VIH».

En 2014, une seconde enquête a été réalisée, toujours par Tim Greacen et son équipe, menée cette fois-ci auprès des experts du dépistage. «On a pu voir que les populations vulnérables ont des besoins différents par rapport aux autotests, nous dit Tim Greacen. Certains privilégient l’anonymat que procure l’autotest, d’autres mettent en avant le côté facile et pratique des autotests.» Et ce chercheur d’insister : «La question de la rapidité est essentielle. Car il y a ce que j’appelle la fenêtre de courage : pour des raisons variées, la personne veut se faire tester, mais ce souhait ne dure pas longtemps. Avant, ils avaient la possibilité d’aller voir vite un médecin, ou d’aller à un centre de dépistage, mais bien souvent, ils ne vont pas chercher les résultats. Les autotests sont une opportunité pour utiliser au mieux cette fenêtre de courage.» La question du prix peut être une limitation dans l’accès, selon l’enquête. En tout cas, tous les experts notent que cette nouvelle offre de dépistage, si elle ne va certes pas révolutionner les pratiques, est une bonne nouvelle : elle comble un manque évident.

Eric Favereau