Une charte éthique ouverte au FN sème la zizanie chez Anticor

Anticor fait marche arrière. Après avoir envisagé d’ouvrir la signature de sa charte éthique aux candidats du FN, l’association anticorruption a renoncé à cette idée en raison de fortes dissensions internes. Selon son président, Jean-Christophe Picard, Anticor renonce même carrément au principe de la charte, quels que soient les signataires. «L’affaire du FN n’est pas le seul problème, mais c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, explique-t-il. Une grosse goutte d’eau.» 

«Mettre le FN face à ses contradictions» : c’est au nom de ce principe que Jean-Christophe Picard justifiait la semaine passée la décision de s’adresser au FN comme aux autres partis. «Nous pensons sincèrement que sa diabolisation a été contre-productive», expliquait-il, jugeant que le parti d’extrême droite avait «changé» : «Aujourd’hui, l’étiquette politique n’est plus un marqueur suffisant pour savoir si un candidat est sincèrement républicain ou pas. Nous continuerons tout de même de fermer notre charte à certains candidats, FN ou pas, en cas d’actes ou de propos répréhensibles.» Pour les régionales à venir, les trente points de la charte engagaient les signataires sur le non-cumul des mandats, la prévention des conflits d’intérêt ou encore le respect de l’opposition. 

«La mayonnaise ne prend pas»

Quelques jours plus tard, c’est donc le principe même d’une charte qui est remis en cause. «Ce n’est pas encore, fait, la décision est en cours d’examen par le conseil d’administration, déclare Jean-Christophe Picard à Libération ce lundi. Le principal problème est que cette charte n’est pas signée, notamment par les grands partis». Lundi, seul un candidat de Debout la France en Languedoc-Rousillon-Midi-Pyrénées et une candidate EE-LV des Pays de la Loire étaient recensés sur le site d’Anticor. «Ensuite, c’est dur de vérifier que les listes signataires sont honnêtes : sur les listes régionales, il y a entre 45 et 209 candidats, on ne peut pas tous les éplucher. Et puis, après coup, que faire contre des candidats qui ne respectent pas leurs engagements ? La mayonnaise ne prend pas, le système est à bout de souffle.» 

Le «dossier FN» semble toutefois avoir joué le rôle de détonateur au sein de l’organisation, créée en 2002 après l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. L’avocat d’Anticor, Jérôme Karsenti, s’était ainsi déclaré «effaré» par la décision de l’organisation : 

Je suis effaré! https://t.co/p01pEXvqJz

— jérome KARSENTI (@jkarsenti) 7 Octobre 2015

«Cela touche à l’un des fondamentaux de notre association», réagit Eric Schulz. Cet élu EE-LV au conseil municipal de Strasbourg a démissionné d’Anticor sitôt connue la décision d’ouvrir la charte aux signatures du FN. «Notre engagement initial était de promouvoir l’éthique en politique, en réaction notamment au discours démagogue de l’extrême droite. Intégrer le FN ? Nous avions déjà eu des débats assez longs sur ce sujet lors des municipales de 2014, mais l’idée avait prévalu que ce parti n’est pas dans l’arc républicain. Ce n’est pas la peine de jouer aux plus fins avec eux. Il y a suffisamment de faits qui montrent qu’ils n’ont pas changé.»

Selon Eric Schulz, «trois ou quatre» membres alsaciens d’Anticor ont également démissionné. Jean-Christophe Picard évoque de son côté «deux ou trois» démissions sur un total de 1 100 adhérents. Même après le revirement de sa direction, l’Alsacien juge que le mal est fait : «La première décision a été largement relayée, le FN s’en est félicité. Je pense qu’Anticor a perdu sa vocation initiale. Arriveront-ils à s’en relever ?»

Dominique Albertini