Contre la réforme du collège, après la manif, le boycott

Les responsables de l’intersyndicale, toujours remontés contre la réforme du collège, s’étaient donné rendez-vous lundi soir pour faire le point après la journée de manifestation nationale de samedi, à Paris, qui a réuni entre 8 000 et 15 000 personnes. Et surtout réfléchir à la suite de leur mouvement.

La marche de samedi a-t-elle été suivie ?

8 000 manifestants selon la police, le double selon les syndicats. Frédérique Rolet, la cosecrétaire du Snes-FSU, le principal syndicat du secondaire, s’en félicite : «Nous n’avions pas donné de prévisions chiffrées, car c’est toujours difficile de se faire une idée. Mais nous sommes satisfaits. Au-delà des manifestants dans la rue, nous avons reçu beaucoup de témoignages d’enseignants qui n’ont pas pu être présents mais qui soutiennent la mobilisation.» Selon elle, beaucoup de professeurs, pas mobilisés jusqu’ici, se rendent compte de la «complexité» de cette réforme dans sa mise en œuvre. «Elle travaille pour nous ! Les collègues prennent conscience de ce qui va se passer concrètement, et l’opinion publique est en train de changer de camp», assure, confiant, Albert-Jean Mougin, vice-président du Syndicat national des lycées et collèges (plutôt classé à droite).

Que demande l’intersyndicale ?

Cette intersyndicale réunit des organisations très différentes (FO, CGT Educ’action, Snalc), opposées à la réforme pour des raisons diverses. Tellement, que même le mot d’ordre n’est pas exactement le même pour tous les syndicats. Le Snes-FSU, le plus représentatif, souhaite la réouverture des discussions avec le ministère pour une «autre réforme».«Nous ne voulons pas la suppression du décret qui pose un cadre très général. Mais la réécriture de l’arrêté et de la circulaire d’application», précise Frédérique Rolet. En revanche, le Snalc est plus virulent. Il exige le retrait pur et simple du décret de cette réforme, qui doit entrer en application à la rentrée prochaine. «Il n’est pas question de discuter des modalités d’application tant que le texte ne sera pas retiré. C’est un préalable», insiste le syndicat.

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Pourquoi cette réforme ne passe pas ?

La contestation a démarré au printemps dernier sur la question du latin et du grec : les amoureux des lettres classiques se sont révoltés de la suppression en tant que telle de l’option latin, proposée jusqu’ici dans la plupart des collèges et suivi par 19% des élèves de cinquième. A la place de cette option, la réforme prévoit un module en «langues et cultures de l’antiquité» proposé à tous les élèves dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires. Pour calmer la colère, la ministre, Najat Vallaud-Belkacem, a ajouté la possibilité laissée aux établissements d’organiser en plus un «enseignement de complément» en langues anciennes. Mais les latinistes tempêtent toujours.

Autre point : la suppression des classes bilangues et européennes. La réforme prévoit la généralisation de la seconde langue vivante dès la cinquième, et non plus à partir de la quatrième. Dans un souci d’égalité, les classes bilangues (deux langues dès la sixième) qui bénéficiaient à 17% des élèves, sont quasiment toutes supprimées. Depuis, les professeurs d’allemand sont furieux, craignant que la disparition de ces classes ne finisse de plomber (encore plus) leurs effectifs.

Enfin, les enseignements pratiques interdisciplinaires (les fameux EPI) : il s’agit là de sacraliser deux à trois heures de cours par semaine pour des enseignements interdisciplinaires, pendant lesquels deux ou trois enseignants feraient un cours ensemble. Certains professeurs pratiquent déjà de tels projets en vertu de leur liberté pédagogique garantie dans les textes. Le Snes, très attaché aux heures disciplinaires, s’insurge de cette «injonction», et s’inquiète de l’autonomie laissée aux chefs d’établissement. «Nous ne sommes pas contre une marge d’autonomie mais à condition qu’il y a un cadre et que les heures de chaque discipline soient garanties», précise Frédérique Rolet.

Quelle suite pour la contestation ?

Lors de la réunion de l’intersyndicale, lundi soir, il n’a pas été question d’annoncer un nouvel appel à la grève. Peut-être dans un second temps, à «un moment opportun», et une fois la base sondée, disent les syndicalistes.

La contestation se poursuit sous une autre forme, notamment avec un appel au boycott des journées de formation proposées aux enseignants pendant les vacances de Toussaint. Les académies sont en effet chargées d’organiser des journées de formation à destination des chefs d’établissement, et les enseignants qui le veulent peuvent s’y joindre. Le plan de formation des professeurs sera ensuite activé au premier semestre 2016 (et à partir de là obligatoires).

L’intersyndicale veut aussi interpeller les candidats aux régionales pour «les réveiller». Et va inviter les opposants à la réforme (profs et autres) à adresser un courrier type de protestation au président de la République. «La détermination reste entière», assènent les syndicats.

Marie Piquemal