«On prend le temps de discuter, si ça prend une demi-heure, on reste une demi-heure»

«Si j’avais de la thune, j’ouvrirai une friterie, avec des vraies frites belges !» Sous sa tente soigneusement aménagée, Milo rêve de ce projet et conte un souvenir de travail dans la restauration. Ce flamand installé dans le XVIIe arrondissement de Paris accueille volontiers les «Robins des Rues» dans son salon meublé à ciel ouvert, sur une bande de pelouse qui longe une voie rapide.

L’association, créée en 2006, organise trois fois par semaine des maraudes dans les XVIIe, XVIIIe et XIXe arrondissements, dans le nord de la capitale. Par groupe de deux à six personnes, sous la houlette d’un chef d’équipe chargé de veiller à la sécurité et au bon déroulement de la maraude, les Robins sillonnent les rues dans une voiture avec café, nourriture et produits d’hygiène.

Méfiance

Milo est sur le parcours de ce mercredi soir, et l’histoire de ce Belge accompagné de son chien Etoile est bien connue des Robins. Car bien plus que le plat de pâtes et de soupe, c’est la conversation et lien social qui sont au cœur de l’action des bénévoles. «On ne fait pas juste de la distribution de nourriture et de produit de première nécessité, qui pourrait créer une situation de dépendance malvenue et pour les personnes en difficultés, et pour nous, explique Benjamin, qui fait des tournées depuis six ans. On prend surtout le temps de discuter avec les personnes, si ça doit prendre une demi-heure, on reste une demi-heure.» C’est le cas pour Milo, mais aussi Ali ou encore Maurice. Dans une autre rue du XVIIe, Ali s’éveille en entendant les Robins converser avec son voisin de tente. Le vieil homme rayonne devant la présence de trois bénévoles venus prendre de ses nouvelles, et sa déception est palpable quand vient l’heure de repartir.

Parfois il faut faire avec la méfiance des personnes rencontrées, ou leur absence. Ce soir, Francis n’est pas sur son lieu de vie habituel, et des sans-abri inconnus des Robins refusent l’approche des bénévoles en feignant le sommeil. «Il y a des personnes qui nous voient passer régulièrement mais nous font signe qu’ils ne veulent pas nous voir. Mais ils savent que nous sommes présents. Parfois il faut plus d’un an pour qu’ils acceptent de nous parler», détaille Benjamin.

De jour, l’association accompagne également les personnes dans leurs démarches de recherche d’emploi ou auprès des administrations et des services sociaux… «Nous sommes entre le citoyen qui donne et discute individuellement avec quelqu’un en situation de rue, et des structures plus professionnelles d’accompagnement social et de réinsertion, avec qui nous sommes en lien», résume-t-il.

Ce soir, la maraude a croisé une dizaine personnes vivant sur le bitume du XVIIe arrondissement. Sous les lumières de Noël du quartier, les Parisiens préparent les fêtes de fin d’année. Les Robins eux organisent des maraudes les 24 et 25 décembre, ainsi qu’au Nouvel An, pour distribuer des cadeaux et partager un moment de convivialité avec Milo, Ali et les autres.

Fanny Evrard