Les ambitions du Christofle, maître de l’argent

Ceux qui croient encore que Christofle ne fait que des couverts de grand-mère ou des plateaux en argent risquent d’avoir un choc en poussant la porte de l’une de ses boutiques. Candélabres futuristes et cubiques, couverts aux lames gravées au laser, disques durs d’ordinateur…, on est bien loin de l’image d’Épinal qui cantonnait la griffe aux listes de mariage. « Nous équipons aussi bien les palais que les branchés », glisse Olivier Frémont, le nouveau président de Christofle. En effet, l’orfèvre joue sur tous les fronts en se diversifiant doucement mais sûrement.

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Près de deux cents ans d’existence

Malgré près de deux cents ans d’existence, le chantre des arts de la table propose des collections d’une folle modernité. Un éventail qui va de la petite cuillère à fraise, pour les puristes, aux accessoires de déco, en passant par les bijoux, un nouvel axe fort dans son développement.

La griffe, qui mise sur cet univers, vient d’ouvrir une boutique qui lui est entièrement consacrée. Dans cet écrin niché rue du Four, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, on peut découvrir des collections inspirées, mélangeant les bijoux en argent, en or ou même pavés de diamants. De quoi ravir une clientèle nouvelle, hétéroclite, moins bourgeoise et plus jeune.

Cette diversification est amplifiée par l’énergie débordante du directeur artistique de la maison depuis 2013. Stéphane Parmentier, qui a fait ses armes chez Lanvin, Karl Lagerfeld et Givenchy, avant de devenir architecte d’intérieur, revisite les collections Christofle avec un côté résolument moderne et un supplément d’âme : « Je veux qu’on regarde la marque sous un autre angle. Ma mission est d’apporter une modernité durable. Prenez les couverts Malmaison. Avec leur côté très rock, contemporain, ils prouvent qu’une marque forte arrive à être sur le fil du rasoir et à naviguer. »

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Designers de renom

La griffe multiplie les collaborations avec des designers, du Studio Putman à Marcel Wanders, en passant par Ora-ïto. « Il faut trouver un juste équilibre. Nous disposons de gens formidables qui fouillent dans les archives comme dans un grenier familial. Ce sont ces forces vives qui s’approprient la marque et son patrimoine », confie Olivier Frémont.

La stratégie consiste aussi à viser toutes les bourses. En janvier, Christofle va lancer une collection avec le designer ultra-coté Éric Schmitt qui commencera à 120 euros. « Le renouveau passe aussi par des collections plus branchées, nos bijoux et le Mood », lâche Stéphane Parmentier. L’objet qui signe la nouvelle identité de la marque est sans conteste le Mood, « bébé » d’Olivier Frémont. Sous le couvercle de cet œuf en acier se trouve la ménagère 3.0. Comme à la cantine mais en version chiquissime, il s’agit de piocher son couvert dans cet œuf disposé sur la table. Avec cette trouvaille, Christofle bouleverse les codes habituels et réinvente la table de demain. « Il s’agissait de replacer les couverts dans notre quotidien avec un packaging sexy et fonctionnel qu’on ait envie de poser sur un plan de travail à côté de sa machine à café design. Nous sommes dans l’ère du mix and match, l’art de mélanger les styles. On entre dans une dimension plus décorative et moins formaliste que du temps de nos parents. À nous d’arriver à twister nos racines », détaille le président de Christofle. « Christofle est une marque très intime, avec une dimension de beau populaire qui infuse les histoires familiales avec des timbales et des coquetiers qu’on se transmet. Nos produits sont accessibles sans transiger sur la qualité », poursuit Stéphane Parmentier.

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Made in Normandie

En effet, chaque pièce d’orfèvrerie est façonnée à Yainville, en Normandie, par des artisans chevronnés et plusieurs Meilleurs Ouvriers de France. Il y a près de deux cents ans, Charles Christofle, le fondateur, avait déjà le sens de la formule en répétant à l’envi : « Une seule qualité, la meilleure ! » Sous l’impulsion de ses éminences grises et créatives, l’orfèvre parvient à brouiller les pistes et à surprendre avec des collections dans l’air du temps. De quoi illustrer la devise des Arts décoratifs : le beau dans l’utile. « Et décomplexer l’usage de l’argent au quotidien », conclut en souriant Olivier Frémont.