Tea Time au Sri Lanka

Le Sri Lanka serait-il en train de vivre sa « révolution » dans le petit monde du thé ? La famille Fernando, propriétaire de la marque Dilmah, très influente avec 11 % du marché national qui compte une production de 350 000 tonnes de thé, l’a laissé entendre lors du « Dilmah Real High Tea Global Challenge », une compétition durant laquelle se sont affrontées l’été dernier, à Colombo, 21 équipes venues du monde entier. À cette occasion, Dilhan Fernando, le fils du fondateur, Merrill, s’est exprimé : « La culture du thé est une célébration de la nature. Et quand nous célébrons la nature, nous célébrons le thé. Avec ce concours, nous réinventons la tradition. » Allusion au fameux « Tea Time » de l’après-midi lancé par les Britanniques au XIXe siècle et qui eut son heure de gloire, de Darjeeling à Kandy.

La meilleure « tasse de thé »

Placé sous la houlette de quatre jurés, le championnat proposait de revisiter le fameux breuvage à travers plusieurs thèmes, comme les infusions, la création de cocktails et les accords avec les mets. Une façon de mettre en avant différentes gammes de la marque et, au-delà, de faire découvrir toutes les possibilités qu’offrent les thés, qu’ils soient verts, blancs, noirs ou parfumés, en combinaisons et en alliances. Certains candidats audacieux présentèrent du beurre et de la bière à base de thé. Quant à l’équipe française, composée de Pierre-Jean Arpurt et de Thibault Idenn, de l’Institut Paul Bocuse, elle proposa un poulet en vessie servi avec un consommé de gingembre et oolong, et, jouant sur la transparence, une infusion de thé de Ceylan aromatisé à l’apple pie et à la vanille, versée dans une superbe pipe en verre. Une performance qui détermina le jury à leur décerner le prix de la meilleure « tasse de thé ».

Une école du thé

Au départ, en France, plusieurs équipes régionales s’étaient confrontées avant d’arriver en finale, comme ce fut le cas dans les 14 pays engagés dans le monde. Pour encadrer ces compétions, rôdées depuis 2007, Alain Moron, l’importateur de Dilmah dans l’Hexagone, s’est attiré les conseils d’une sommelière émérite, Catherine Nicolas, vice championne du Meilleur sommelier de Grande-Bretagne en 1998. Avec enthousiasme, elle s’est rendue dans plus de 25 lycées hôteliers porter la bonne parole du thé, en utilisant un vocabulaire inspiré de celui du vin. À juste titre : dégusté chaud ou froid, le breuvage est un compagnon idéal pour le salé et le sucré. De nombreux chefs l’ont d’ailleurs intégré dans leurs créations. Et l’Institut Paul Bocuse s’enorgueillit désormais d’une école de thé parrainée par Dilmah.

Travail d’orfèvre

Propriétaire de 52 jardins de thé au Sri Lanka, répartis sur 28 000 hectares, la famille Fernando est en train de redynamiser le marché. Notamment en diversifiant sa production, jouant sur des thés haut de gamme de pure origine, en vrac et en sachets, très attractifs à l’étranger. Une exploitation qui redessine l’éventail des quatre régions les plus renommées – Kandy, Nuwara Elya, Dimbula et Galle – situées entre 300 et 2 000 mètres d’altitude, du Centre au Sud. Sait-on seulement que, depuis quelques années, Dilmah a été pionnier en matière de production de thés blancs, confectionnés avec des bourgeons terminaux argentés et duveteux (silver tips) qui généralement font la richesse de certaines régions en Chine ? Réputées pour leur teneur en antioxydants et en polyphénols, ces pépites sont récoltées toute l’année, en grande partie au cœur du district de Kandy, à Nawalapitiya, au nord du fameux Peak Adams. Perché à 1 150 mètres, le splendide jardin de Craighead ne consacre que 60 hectares à la récolte du thé blanc sur les 347 hectares que compte le domaine. Vingt-cinq ouvrières gantées s’emploient dès sept heures du matin à récolter dans les coteaux, chacune, 200 g de bourgeons précieux par jour, qui une fois séchés et triés à la pince à épiler donneront une production annuelle de 600 kilos. Mieux encore, dans le sud du pays, les cueilleuses de la parcelle du jardin d’Handunugoda (vieux de 145 ans), réservé au thé blanc pour la maison Mariage Frères, coupent les bourgeons avec une paire de ciseaux dorés pour éviter tout contact de transpiration avec la peau. Comme au temps des empereurs chinois !

Philanthropie

Soucieux de « mettre l’humain au cœur de l’entreprise », Merrill Dilmah a créé une fondation humanitaire MJF Charitable Foundation vers laquelle sont reportés 10 % des bénéfices des ventes mondiales du groupe. Ses réalisations sont multiples : 75 centres d’aide à la petite enfance, 200 maisons neuves après le tsunami de 2006, soutien à la création de 700 petites entreprises, construction d’orphelinats et de dispensaires permettant aux ouvriers agricoles de se faire soigner gracieusement, et ouverture à Colombo du centre Moratuwa venant en aide à 45 enfants handicapés. À cela s’ajoute, sous le couvert de la Dilmah Conservation, le soutien à un orphelinat d’éléphants, ouvert au public, installé près du parc national d’Udawalawe, qui conjugue services vétérinaires et centre de réadaptation d’animaux sauvages.

Héritage

Dilmah se tourne également vers l’hôtellerie de luxe. Ainsi, Malik Fernando, le fils aîné, a-t-il remis en état cinq anciens bungalows de planteurs, abandonnés dans des jardins de thé, négociant des concessions d’une cinquantaine d’années. Appelés « Tea Trails », ils restituent l’âme des anciennes propriétés coloniales. Entre Nuwara Elya et Kandy, à quelques heures de la capitale et au cœur de la « Golden Valley », le voyageur peut découvrir ces splendides maisons avec véranda, cheminée dans la chambre, salle de billard, bibliothèque, cuisine locale de haute volée faite de curry et de wattalappam (dessert à base de lait de coco), véritable « afternoon tea », piscine et service digne des meilleurs Relais & Châteaux, réseau dont l’établissement fait désormais partie. Tout comme le dernier-né « Cape Weligama », situé sur la côte ouest, à quelques kilomètres de la ville fortifiée de Galle, au sud de Colombo. Dans une ancienne plantation de cocotiers de 12 hectares, plantée au bord de l’océan Indien, l’architecte thaïlandais a imaginé 39 villas et suites ponctuées de meubles en bambou, de grandes baies vitrées, de colonnes en bois, de toits en brique rouge et de murets en pierre. Le luxe est raffiné, jusqu’aux excursions en bateau pour admirer baleines et dauphins… Au retour, le « butler », toujours attentionné, réserve aux voyageurs un cocktail maison, avant de servir le dîner sur une terrasse, éclairée par une lumière rasante exceptionnelle, surtout de décembre à mars.