Le Matelot est dans le vent

Une brochette de hipsters joue des coudes dans la boutique Saint James de la Madeleine, à Paris. Leur silhouette filiforme leur permet de se glisser dans un pull matelot moulant. S’ils ont craqué pour un modèle bicolore à rayures asymétriques, leur voisin de cabine, un quinqua bedonnant, optera plutôt pour son fidèle Rochefort uni, un peu plus large aux hanches.

Autrefois, ce pull à col boutonné sur le côté était surtout plébiscité par les marins, les vacanciers des bords de mer et les BCBG. Aujourd’hui, il est aussi devenu un must chez les branchés. Saint James, une référence en la matière, le décline à l’envi et surfe sur le succès. « Il a fallu revoir les coupes, plus ajustées, pour plaire à une clientèle plus jeune. Nos clients nous avaient aussi fait remarquer que le Matelot était trop épais, alors on a travaillé une jauge plus fine », explique Jacqueline Petipas, directrice de collection, moitié normande, moitié bretonne.

Graphique. Les 21 rayures du pull marin ont été imposées par Napoléon (ici avec la styliste Jacqueline Petitpas). On raconte qu’elles servaient à repérer les malheureux qui tombaient à l’eau. © DR

Vestiaire complet

On en oublierait presque que le pull Saint James est né dans le village éponyme, au pied du Mont-Saint-Michel, dans la Manche. S’il a été immortalisé par le Capitaine Haddock, il est devenu une icône du vestiaire du matelot et du paysan, qui ont vite adopté ce pull chaud et solide. Il est inlassablement façonné sur des métiers à tricoter vintage, bichonnés par les ouvrières. Il faut dérouler 23 kilomètres de fil pour tricoter un pull ! « Il y a encore beaucoup d’étapes manuelles comme le raccoutrage ou le remaillage. Le col est arrimé à la main. Il faut dix-huit mois pour maîtriser cette technique », précise Luc Lesénécal, président de la marque, créée en 1850 et reprise en 2012 par ses cadres dirigeants.

Si Saint James propose aussi un vestiaire complet (marinières, cabans, accessoires…), le pull marin est une source d’inspiration intarissable. « On revisite chaque saison nos basiques en les faisant évoluer. On a imaginé une laine matelassée inspirée de l’outdoor. Comme ce modèle de voyage capitonné au col et doté d’une coudière carrée longue », jubile Jacqueline, qui nous montre aussi, toute fière, un pull en maille figurant des écailles de sirène.

La mer n’est jamais loin dans le processus de création. Avec en filigrane l’idée de toujours naviguer entre deux eaux pour séduire une nouvelle clientèle, sans fâcher les habitués. La scène de mixité sociale observée dans la boutique de la Madeleine est la preuve vivante que Saint James suit le bon cap.