Au coeur de l’Alaska conquérant

À l’assaut d’une terre hostile

A bord de l' »Austral » l’atmosphère est conviviale et les cabines offrent tout le confort nécessaire pour se ressourcer après des excursions dans un monde rude et sauvage. © François Lefebvre

Ils avaient faim d’or, de pain et de terre, et ont transporté leur matériel et leurs rêves dans l’une des régions les plus hostiles de l’Ouest nord-américain. Même avec une luge résistante, un homme fort avait besoin de trois mois pour atteindre le site aurifère, après avoir accosté sur cette côte du sud de l’Alaska déchiquetée par l’océan Pacifique, qui descend le long du Canada. C’est avec une charge plus légère que commence, le lendemain de notre installation sur l’Austral – le bateau de la compagnie du Ponant sur lequel nous avons embarqué à Skagway -, notre randonnée sur la piste Chilkoot, qui retrace le chemin de ces vigoureux voyageurs. Ce corridor culturel est fréquenté depuis des milliers d’années par les Indiens Tlingits. Il traverse une forêt enchantée. Des arbres effilés s’agrippent au ciel. Au sol, leurs racines tortueuses, tapissées de mousses aux verts éclatants, font le grand écart, puis laissent place à des fougères au goût de carotte épicée. De cette époque il reste des vestiges archéologiques, le folklore, une ligne de chemin de fer, des ponts en bois, des villes champignons… et des boutiques de souvenirs à gogo.

Skagway, la « ville du vent »

C’est à Skagway que commencela croisière. Cette ville-champignon avec ses maisons colorées était l’un des points de départ des chercheurs d’or en route vers le Klondike. © DR

La bourgade de Skagway a poussé, au XIXe siècle, le long des pistes menant à Dawson City, dans le Yukon (Canada), où l’or est découvert en 1898. « Ce n’est pas très compliqué : deux rues multipliées par quatre, 1 000 habitants en hiver, et jusqu’à 24 000 l’été », commente le guide québécois, dont l’accent met en joie. Parsemé de maisons colorées, le centre-ville, presque aussi silencieux que la nuit, exhale une odeur de pop-corn qui excite les papilles et active les neurones à dopamine. Ciel bleu qui invite à rêver.

Rapaces et lions de mer

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Une colonie de lions de mer se prélasse au soleil sur les bords du canal de Lynn, qui relie Juneau, la capitale de l’Alaska, à Skagway. © DR

Cap ensuite vers Haines. Ce village pittoresque aux maisons fardées est survolé par de majestueux pygargues. « Ce rapace à tête blanche, un brin chapardeur, n’est pas un aigle, rappelle le guide. Il est dépourvu de plumes sur les pattes et mange essentiellement du poisson. » La lumière sculpte le panorama : des sommets rognés par les glaciers, des forêts verdoyantes, et puis, au pied, l’eau, tantôt couleur de lait, tantôt vert émeraude. Soudain, sur le canal de Lynn, fjord le plus long et le plus profond de l’Amérique, une colonie de lions de mer, alanguis sur le rocher. « On croit qu’ils passent leur temps à bronzer, commente le commandant, Jean-Philippe Lemaire. La plongée dans l’eau froide les épuise. »

Naissance d’une rivière

Non loin de là, l’exploration du glacier Davidson est une surprise immense. La rivière sur laquelle nous voguons s’est formée il y a seulement une semaine. En s’écoulant, la glace s’est frayé un nouveau lit. Sous nos yeux, un monstre un peu sale qui ne demande qu’à nous absorber. Le canoë s’échoue sur le sable. Sous nos pieds, le sol se dérobe. Le silence est troublé par des craquements, des écoulements. Décor d’ébauche du temps. Au retour, nous croisons un couple d’oiseaux naufragés sur un rocher. La montée des eaux a détruit leur nid. Au loin, de puissants flots menacent de nous emporter jusqu’à la mer. Le temps s’est radouci. L’Alaska décline ses merveilles et sa sauvagerie : sous-bois féerique, fraises des bois délicieusement sucrées, rivières hurlantes, cascades tombées du ciel…

Virée glaciaire

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Face au glacier Davidson, promenade hors du temps en canoë sur une rivière née une semaine plus tôt de la fonte des glaces. © DR

Le lendemain, le bateau accoste sur Tracy Arm Fjord. Les croisiéristes sont comme des gamins dans les Zodiac, qui s’approchent du molosse glacé. Le soleil brille avec vigueur, renforçant le sentiment de vivre quelque chose d’exceptionnel. Une lame suspendue s’effondre. Bienvenue au royaume de l’impermanence. Outre les glaciers, l’Alaska compte plus de 130 volcans, dont 50 sont encore actifs.

La petite Norvège

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A Ketchikan, sur l’île Revillagigedo, on peut visiter la Maison de Dolly, reconstitution d’une ancienne maison close. Ou faire provision de boîtes de saumon « sockeye ». © DR

Petit crochet sur l’île Mitkof, qui fait partie de l’archipel Alexandre. Les pionniers européens venus s’y installer étaient des pêcheurs norvégiens. La qualité des bateaux en dit long sur la prospérité de la pêche. Spectacle de danses Leikkaring, puis dégustation de pâtisseries locales 100 % pur beurre.

Saumon fripon

Totem dans le port de Haines. © Design Pics Inc / Alamy Stock Photo

Dernière étape sur l’île Revillagigedo. Ce sont les grands espaces qu’on vient rencontrer en Alaska. Une nature où batifole le fameux saumon sauvage du Pacifique. « Sa vie n’est qu’un immense flirt, raconte le guide. Après avoir frayé, le couple se laisse mourir quand il n’est pas happé par un grizzly. » La capitale, Ketchikan, grouille de bateaux et de conserveries où on peut faire ses provisions. Les connaisseurs recommandent le saumon rouge ou « sockeye », celui qui fait des sauts spectaculaires au-dessus des chutes d’eau. Ketchikan possède également la plus grande concentration de totems au monde. Rue Creek se trouve l’ancien quartier chaud de la ville. Une visite de l’infamante Maison de Dolly est prévue…

Y aller

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Ponant. Croisière L’Alaska des chercheurs d’or : 15 jours/14 nuits, dont une nuit à Seattle ou à Vancouver dans un hôtel 4 étoiles, à partir de 8 720 euros/pers. (base 2) en cabine supérieure, vol aller domestique, pension complète, open bar, animations, conférences inclus. Hors taxes portuaires et excursions (entre 29 et 249 euros). 0.820.22.50.50, www.ponant.com.

A bord. Atmosphère chic, intimiste et conviviale. Déco associant des matériaux nobles dans une harmonie de beige, de gris et de rouge. 132 cabines et suites avec balcon, sélection de produits L’Occitane, room service 24 h/24, Internet payant. Espace beauté, équipements fitness dernier cri dont le Kinesis Wall, bar, théâtre, salons, bibliothèque…

Restaurants. Le Rodrigue : buffet dans une ambiance cosy. Cuisine gourmande, légère et variée, menus à thèmes. Le Coromandel : service à l’assiette dans une atmosphère raffinée et familiale. Cuisine créative : fondant de chou-fleur au curry, biscuit sablé aux graines de pavot, magret de canard au chou rouge confit, sabayon de fruits rouges au champagne.

Les plus. Service à bord raffiné, conférences animées par deux passionnés. Passages là où les gros bateaux ne vont pas. Excursions de bonne qualité. Nos préférées : la randonnée Chilkoot et Aventure à Glacier Point.

Les moins. Quelques fausses notes au petit déjeuner, au dîner de gala et au repas local servi à Juneau, sous-traité à un prestataire.