On a passé l’examen pour devenir chauffeur VTC et ce n’est pas gagné!

Depuis la grève massive des taxis l’hiver dernier, un arrêté réglemente drastiquement l’accès à la profession de conducteur de VTC. Ce qui n’empêche pas des centaines de personnes de se présenter chaque mois à l’examen. L’Express a tenté sa chance.

« Aujourd’hui, c’est le grand jour ! ». En ce début novembre, comme chaque mois, des centaines d’aspirants chauffeurs de VTC se pressent pour passer leur examen. Convocation sous le coude, carte d’identité à la main, un petit groupe grille une dernière cigarette sur le trottoir de la rue de Charenton à Paris, la boule au ventre.

« Tu sais si on pourra le repasser en décembre avec la nouvelle loi? », demande Franck*, la cinquantaine grisonnante, un brin inquiet, les yeux braqués vers l’entrée de l’Espace Charenton. Il s’apprête à y passer les quatre prochaines heures, assis seul face à sa petite table d’examen. « Je ne sais pas, lui répond Ahmed*. En tout cas, il ne faut pas se rater. Si la prochaine session est en février, on passera le même examen que les taxis. A 3000 euros c’est pas la même ». Comme Ahmed, Franck et les autres, l’examen du jour est donc un peu celui de la dernière chance, même s’il y aura bien une ultime séance en décembre avant que les Chambres des métiers et de l’artisanat, comme le stipule la nouvelle loi Grandguillaume, ne reprennent la main sur l’épreuve et changent la donne.

5 femmes seulement, sur 150 candidats

Les formalités de contrôle effectuées, les 150 candidats du jour pénètrent dans une grande salle comportant neuf rangées de quinze tables. Parmi eux, très majoritairement des hommes, de tout âge. Mais on dénombre aussi cinq femmes, « ce qui est plutôt inhabituel », remarque un des organisateurs.

 Fiche d'inscription à l'examen VTC

Fiche d’inscription à l’examen VTC

S.P L’Express

Pour les surveiller, quatre personnes multiplient les rondes entre les allées, sous le regard d’un huissier de justice chargé de valider la bonne tenue de cet examen confié à une entreprise privée. C’est Voitures Noires qui organise l’épreuve. Son premier métier est de louer des véhicules à des chauffeurs, mais la société s’est diversifiée dans la formation. D’ailleurs, ce mercredi, environ un quart des candidats ont suivi le cursus proposé par l’entreprise (70 heures pour 849 euros). La grande majorité des autres se présente en candidat libre (moyennant 99 euros).

Il est 14 heures. Les organisateurs déballent les sujets arrivés scellés du ministère de l’Environnement, tutelle du ministère des Transports qui encadre la profession. Depuis la grève massive des taxis à l’hiver dernier, l’accès à la profession s’est rigidifié, les aspirants chauffeurs devant satisfaire à ce nouvel examen mis en place en février 2016. Quant aux Loti (un statut réservé au transport d’au moins 2 passagers, souvent détourné en réalité) qui n’ont pas besoin de la licence VTC pour travailler, ils devraient peu à peu disparaître des grandes agglomérations.

« C’est chaud, c’est chaud… »

Coup d’envoi avec le premier des six rounds qui prend la forme d’un questionnaire à choix multiples (QCM) de 110 questions, avec notes éliminatoires. L’épreuve est notée sur 20 et un coefficient est appliqué à chaque fois.

Barème complet de l'examen pour devenir chauffeur VTC

Barème complet de l’examen pour devenir chauffeur VTC

www.developpement-durable.gouv.fr

Nous débutons par la « Règlementation des transports publics particuliers et des transports collectifs », coefficient 4, le plus élevé de l’après-midi. Et disons-le, ça se corse d’entrée! Droit du transport, réglementation des véhicules, assurances… On cale! Après 30 minutes, les surveillants relèvent les copies. « C’est chaud, c’est chaud », s’exclame Matthias, la trentaine, originaire du nord de Paris.

On passe la seconde avec l’épreuve consacrée à la « Sécurité routière », coefficient 3. Là, pas de surprises. Une question sur un panneau d’avertissement pour une chaussé glissante (avec deux réponses à cocher bien sûr), une autre pour calculer la distance de sécurité en ville, un virage dangereux délicat à apprécier et une question piège sur le pourcentage de teinte des vitres du véhicule. Nous évitons la sortie de route.

Troisième round, le dernier avant la pause: l’épreuve de « Gestion d’entreprise », coeff 2. Les regards fusent à droite, à gauche. L’inquiétude se devine sur les visages. Qualités et défauts de la Société par Actions Simplifiée (SAS), couverture sociale du RSI, bénéfices, marge, gestion prévisionnelle… Tout y passe. Le chauffeur de VTC se mue en chef d’entreprise. Gare à la casse!

« Un client vous demande d’aller voir la Joconde… »

A la mi-temps de l’examen, les langues se délient. « Je pense qu’avant c’était plus facile. C’est la tournure des réponses qui pose problème. On peut facilement faire des erreurs », estime un candidat. « Ça devient de plus en plus difficile, remarque Ben* qui passe l’épreuve pour la deuxième fois. Moi je veux devenir VTC pour arrondir mes fins de mois, mais ça risque d’être compliqué ».

Photo d'une salle d'examen avant le début de l'épreuve du 2 novembre 2016

Photo d’une salle d’examen avant le début de l’épreuve du 2 novembre 2016

S.P L’Express

Après 10 minutes de pause, on embraye sur la 4e épreuve, la « Relation client ». Un questionnaire plutôt subjectif, les réponses étant susceptibles de varier selon les pratiques commerciales des applications et des sociétés de VTC. On gardera toutefois en mémoire la dernière: « Un client vous demande d’aller voir la Joconde, vous l’emmenez…

  1. Au Quai d’Orsay
  2. A Versailles
  3. Au Louvre
  4. A Beaubourg

Une coquille dans l’épreuve de Français

Place désormais à la perle de l’après-midi, l’épreuve de « Compréhension de la langue française ». Une analyse de texte portant sur un extrait de la Revue du Commissariat général au développement durable publiée en juin 2013 par le ministère de l’Environnement. Le document traite de la diésélisation du parc automobile français et comporte, à notre plus grande surprise, une belle faute de frappe à la 7e ligne, qui figure aussi dans la version originale du texte que nous avons retrouvé. « C’est vrai que ça la fout mal », reconnait un organisateur. Sur le fond, pas de grande difficulté. « C’est un truc de débile. Avec l’Anglais pour finir, on va bien rigoler », s’esclaffe même un participants en rendant sa copie.

Extrait de "La Revue du Commissariat général au développement durable" publié par le ministère de l'Environnement en juin 2013

Extrait de « La Revue du Commissariat général au développement durable » publié par le ministère de l’Environnement en juin 2013

www.developpement-durable.gouv.fr

Bouquet final donc avec l’épreuve de « Compréhension et expression en langue anglaise ». Des phrases à trous et des traductions, sans aucune expression écrite. Plutôt facile à première vue, mais pas à la portée de tous à en juger par les regards échangés. Il est temps de relâcher la pression. Ces 3h30 d’examen se seront déroulées sans aucune épreuve de conduite. Surprenant pour de futurs chauffeurs…

Au moment de rendre la dernière copie, un des organisateurs indique au micro que les résultats seront communiqués autour du 23 novembre et qu’une dernière session aura bien lieu le 6 décembre prochain. Soulagement dans la salle. Avec un taux de réussite qui oscille « autour de 50% ces derniers mois », selon un examinateur, il faudra probablement repasser à la caisse. « Le parcours du combattant » ne fait que commencer.

INTERVIEW >> Les applis veulent imposer « l’état de fait comme état de droit » selon le député Laurent Grandguillaume

* Les prénoms ont été modifiés