Comment Hollande est sorti d’un «trou noir» de confiance

Que reste-t-il du 11 janvier pour François Hollande ? Si les commentaires ont été unanimes, à l’époque, pour souligner la capacité du Président à faire face à une situation à la fois tragique et exceptionnelle pour la France, ils ne l’ont pas été moins, tout récemment, pour souligner son impuissance face aux enjeux économiques du pays, notamment sur le front de la croissance et de l’emploi. Pourtant, la séquence Charlie a laissé des traces dans le regard des Français sur le chef de l’Etat. Si son niveau de popularité fait l’objet de commentaires médiatiques toujours conjoncturels et souvent approximatifs, l’examen attentif de la longue série de sondages depuis les «creux» de mai 2014 (au lendemain du départ de Jean-Marc Ayrault) et d’octobre 2014 (après remaniement «Montebourg») jusqu’à aujourd’hui, apporte un éclairage intéressant sur ce que l’on pourrait qualifier un «rebond de confiance».

Si l’on prend comme base les baromètres des huit instituts de sondage effectuant mensuellement une mesure auprès des Français, sans tenir compte de la question précise posée, la moyenne des résultats fait apparaître une progression spectaculaire : de 16,3% (novembre 2014) à 24,9% d’opinions positives (juillet 2015). Cette évolution doit beaucoup à l’effet du 11 janvier qui a soudain modifié le regard de l’opinion sur la capacité de Hollande à accomplir sa mission. Cependant, non seulement le repli logique d’opinions positives s’est avéré limité dans les mois qui ont suivi, mais le niveau de confiance est reparti légèrement à la hausse à la fin du printemps : 24,9% en juillet, contre 23,4% en avril.

L’analyse qualitative des données des instituts autorise une analyse plus fine de ce mouvement. Les questions posées varient d’une enquête à l’autre et les résultats comparatifs entre les différentes séries de sondages apportent des éléments précis sur le regain de popularité. On peut distinguer trois blocs de baromètres de confiance en fonction de la question posée, laquelle détermine en partie la réponse.

Une capacité d’écoute retrouvée auprès des Français

Le premier bloc met en exergue la confiance accordée au Président (1). Le deuxième s’intéresse plus particulièrement à la satisfaction perçue de son action (2). Enfin, le troisième bloc sonde les Français sur une appréciation plus projective et plus directement liée au Président lui-même (3). Il était inaudible, le voilà critiqué, mais écouté. Or, les évolutions, observées ces derniers mois, varient d’un bloc de baromètre à l’autre. De façon générale, la progression est de 8,6 points depuis novembre 2014. Mais, la moyenne des sondages du premier bloc, quand la question évoque des «problèmes à résoudre», ne fait apparaître qu’une progression de 7 points durant la même période. A l’opposé, la moyenne des sondages du troisième bloc, quand la question ne fait plus référence à l’environnement ou au bilan, affiche une hausse de 10,5 points. Autrement dit, les mesures de popularité sont d’autant plus favorables à Hollande qu’elles se fondent sur un questionnement portant sur la capacité perçue du Président à exercer sa fonction.

Il serait erroné de conclure que les résultats de son action politique n’ont que peu d’effet sur sa popularité. Le niveau encore très bas de la confiance que lui accordent les Français, tous questionnements confondus, comme les écarts somme toute limités entre les différents blocs de baromètre, invalident l’idée d’un décrochage entre la perception du bilan et l’appréciation du Président. Mais tout se passe comme si Hollande était sorti d’une sorte de «trou noir» de confiance, conduisant tout droit au carton rouge d’expulsion de la scène politique, pour retrouver non pas une adhésion mais une capacité d’écoute auprès de ses compatriotes.

Cultiver sa capacité de séduction 

Pourquoi ? On peut esquisser une hypothèse : à la différence d’il y a un an, et malgré un solde qui reste très négatif, les Français accordent sensiblement plus de crédit au Président pour deux raisons. La première est la reconnaissance de son aptitude à assumer ses fonctions régaliennes (sécurité, international) qui sont désormais perçues de manière plus positive, le dernier exemple en date étant la crise grecque. La seconde, qui n’est nullement antinomique mais complémentaire de la première, est son attention relationnelle, qui s’est manifestée dans une évolution de la stratégie de communication présidentielle depuis l’été 2014 (protocole plus interactif d’usage des médias, multiplication des déplacements de proximité, mise en scène d’un dialogue permanent avec ses compatriotes).

Cela tendrait à justifier l’idée que la confiance ne peut se (re)construire que dans une articulation permanente entre un positionnement très «haut», sur le rôle de la France dans le monde et un discours projectif sur les grandes orientations du quinquennat, et un positionnement très «bas», dans une présence perçue continue auprès des Français et une volonté permanente d’échange et de dialogue avec eux. Entre les deux, le maniement de la boîte à outils macroéconomiques est probablement la voie la moins indiquée pour retrouver du crédit. Dans la perspective d’une éventuelle candidature de Hollande en 2017, il lui est impensable d’esquiver les résultats. Mais il lui est sans doute primordial de cultiver ce qui est au fondement de tout charisme : la capacité d’entraînement et de séduction.

(1) TNS Sofres : «Résoudre les problèmes qui se posent en France» ; CSA : «Pour affronter efficacement les problèmes qui se posent au pays». (2) Ifop : «Etes-vous satisfait ou mécontent ?» ; OpinionWay : «Etes-vous satisfait de son action ?» et Ipsos : «Quel jugement portez-vous sur son action ?». (3) Harris Interactive : «Lui faîtes-vous confiance pour mener une bonne politique pour la France ?» ; BVA : «Quelle opinion en avez-vous ?» ; Odoxa : «Diriez-vous que c’est un bon président ?».