Golf – Chantaco : un parcours de légende

Bienvenue au Pays basque, terre fière et à la personnalité bien trempée. Cette région, dont la langue est la plus ancienne d’Europe, possède aussi l’un des golfs les plus prestigieux du Vieux Continent. Le parcours de Chantaco, situé à Saint-Jean-de-Luz, à quelques kilomètres de la frontière espagnole, est non seulement un site golfique réputé, mais aussi un lieu chargé d’histoire.

L’épopée commence en 1926 sur l’initiative de René Thion de La Chaume, un aristocrate et haut fonctionnaire d’État. Ancien sportif (il a participé aux épreuves d’escrime lors des Jeux olympiques de 1900), il décide d’acheter plus de 130 hectares de terrain où plusieurs fermes – Etcheverria, Urchabaleta, Kantia, Mochobaita, Coyoénia et Chantacoénia – étaient installées. Il se lance dans un vaste projet qui combine programme immobilier et construction d’un parcours de golf à 18 trous. La ferme de Chantacoénia, terme qui fait référence à Saint-Jacques-de-Compostelle, servira de nom définitif.

Le golf de Chantaco, dont le parcours a été dessiné par l’architecte-paysagiste Harry Colt, est inauguré le 1er novembre 1928 à l’occasion d’une partie à laquelle participait le natif de Biarritz Arnaud Massy, le meilleur golfeur français toutes époques confondues, qui avait été blessé lors de la bataille de Verdun en 1916. Le style des bâtiments est typique du Pays basque, entouré d’arches qui donnent l’impression que l’on va entrer dans une hacienda.

Rapidement, la fille de René Thion de La Chaume, Simone, prit le contrôle de Chantaco. Elle succède à son père dès 1930 après avoir été la première étrangère à remporter le Girls British Amateur Golf Championship en 1924 et, en 1927, la première à gagner le British Ladies Amateur Golf Championship. Elle épouse René Lacoste au début des années 30, et Chantaco devient alors un lieu où se croisent des célébrités : le prince de Galles, Charlie Chaplin, le prince de Bourbon, le violoniste Jacques Thibaud, etc. Portraits de ceux qui ont marqué ce parcours mythique.

Jean Larretche, la mémoire

Il est le doyen. Né en 1923 dans l’une des fermes luziennes rachetées par René Thion de La Chaume, Jean Larretche est plus âgé que le parcours de Chantaco lui-même. « Je me souviens que l’épouse d’Arnaud Massy partait en carrosse faire des courses en ville. » Béret noir vissé en permanence sur la tête, il se revendique basque, mais reconnaît aussi le rôle des Anglais, venus en masse jouer au golf dans la première moitié du XXe siècle, et qui ont participé au développement économique de la région. « Les Anglais venaient pour la météo clémente. Du coup, le golf a donné du travail à beaucoup de natifs qui ont gagné leur vie comme cadet dans une région assez pauvre à l’époque. M. Thion de La Chaume insistait pour que les cadets [ceux qui transportent l’équipement du joueur tout au long de parcours, NDLR] sachent jouer au golf pour que, eux aussi, soient attachés à Chantaco et prennent soin du parcours. »

Après la Seconde Guerre mondiale, il s’occupe de Catherine Lacoste – « lorsqu’elle était enfant, nous partions jouer le dimanche matin dès 8 heures, avant la messe » – et devient, quelques années plus tard, son cadet. Leur association connaît un succès en 1964 lorsqu’ils remportent le Championnat du monde amateur. Le niveau des cadets de Chantaco est d’ailleurs sa plus grande fierté. « Pas un seul site en France n’a révélé autant de cadets qui sont passés pros », comme Jean Garaialde, meilleur golfeur français pendant plus de 20 ans. Et, pourtant, Jean Larretche, lui, était encore plus performant au rugby et a joué comme talonneur au Saint-Jean-de-Luz olympique.

Catherine Lacoste, la référence

CATHERINE LACOSTE. (crédit : Scott Halleran/Getty Images/AFP) © SCOTT HALLERAN

La fille de René Lacoste et Simone Thion de La Chaume a été présidente de Chantaco durant près de 40 ans. Mais Catherine Lacoste est également la seule joueuse amateur et la première étrangère à avoir gagné l’US Open (en 1967). « J’étais déjà venue en 1965 et j’avais beaucoup appris. Les Américaines étaient plus agressives. Dès le coup de départ, elles voulaient atteindre le trou, elles jouaient avec la confiance. »

Mais, en 1967, elle était seule. Pas de cadet personnel, pas de staff, elle devient une vraie joueuse amateur entourée de pros. « Et quinze jours avant, un amateur, qui avait bien commencé, s’était écroulé au dernier jour à l’US Open masculin. On n’a pas manqué de me le rappeler lorsque j’ai commencé à faire la course en tête. » Elle n’a jamais voulu jouer pro, car il aurait fallu qu’elle parte aux États-Unis. « Cela me plaisait de jouer pour l’équipe de France amateur, et je ne voulais pas enchaîner les voyages. » Mais de l’autre côté de l’Atlantique, elle demeure aujourd’hui une référence. Après sa victoire, les journaux américains l’avaient affublée du sobriquet de « Crocodile Kid » en référence à son patronyme.

Véronique Smondack, la relève

(crédit photo : Éric Baledent/MaxPPP] © ERIC BALEDENT

Présidente de Chantaco depuis le 1er avril 2013, Véronique Smondack, 35 ans, est la fille de Catherine Lacoste. « Chantaco est un lieu chargé d’histoire. Ma principale tâche est de faire perpétuer ses valeurs et sa réputation. Le fait d’avoir bien connu mes grands-parents m’a aidée à prendre conscience de ce que représentait ce site. » Ses aïeux sont sa fierté. « Durant la Seconde Guerre mondiale, mon grand-père René Lacoste a permis à certains ouvriers du golf de leur éviter de partir en camp de travail en lançant un vaste de programme de plantation de 40 000 arbres sur le parcours. »

Face à l’évolution du golf, elle reconnaît que Chantaco est devenu au fil du temps un parcours plutôt de golf féminin que de golf masculin. « Nous n’avons pas la possibilité de reculer à l’infini les départs. Chantaco fait travailler la technique, la notion de jeu prend le dessus sur tout ici. « Exemple, nous avons déplacé un bunker au trou 15, un par 5, de sorte qu’il soit presque inévitable de tomber dedans. Cela faisait des années que ce bunker était décoratif. » Mais l’architecte doit respecter le design d’origine d’Harry Colt. « Chaque grand dessinateur de parcours – Trent Jones, Harry Colt – a une patte. Un golfeur chevronné peut très bien deviner s’il s’agit d’un parcours dessiné par tel ou tel architecte. À Chantaco, la dimension historique est essentielle et beaucoup de nos jardiniers sont ici depuis plus 30 ans. Ils connaissent ce parcours sur le bout des doigts. »