A Nice, front familial entre Marine et Marion Le Pen

Marine Le Pen a fait un rêve : «Le 13 décembre, le FN gagnait des régions pour la première fois de son histoire, au premier rang desquelles la région Paca…». En meeting à Nice, la présidente du Front national a apporté un franc soutien à sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sans allusion à la volonté de cette dernière de supprimer, en cas de victoire, les subventions régionales au planning familial – proposition maintenue par la députée, bien qu’elle ait suscité jeudi l’agacement de Marine Le Pen.

L’une dans le nord, l’autre dans le sud, les deux femmes sont les meilleures chances de victoire du parti d’extrême droite. Selon plusieurs sondages, toutes deux l’emporteraient largement au second tour en cas de triangulaires FN/LR/PS. Leur sort serait plus incertain en cas de désistement socialiste, les enquêtes d’opinion donnant alors le FN à égalité avec la droite. «Ce sera compliqué dans un duel face à Estrosi, mais pas impossible si nous arrivons à creuser un écart suffisant au premier tour», a jugé Marion Maréchal-Le Pen avant le meeting. Face à un millier de personnes enthousiastes, les orateurs n’ont pas ménagé leurs efforts pour amener les sympathisants frontistes aux urnes.

«Je veux dire aux électeurs de droite :ne vous laissez pas berner, a lancé Olivier Bettati, tête de liste dans les Alpes-Maritimes et lui-même ancien membre de l’UMP. Oui, il se prépare une alliance [entre LR et le PS] dans les sous-sols de la mairie de Nice. Le leader des Républicains est démasqué. […] Faites comme moi, […] tournez la page de ce monde de fantômes sans idées et sans convictions.»«Nos adversaires ne sont que des feuilles mortes, leur seule ambition est d’être dans le vent», a poursuivi Marion Maréchal-Le Pen, avant de laisser sa tante afficher sa confiance : «Ces victoires, je les vois encore plus importantes aujourd’hui qu’hier, s’est enflammée Marine Le Pen. La France est entrée dans une nouvelle ère. J’ai toujours pensé que des pires crises peuvent sortir des choix essentiels».

«Totem»

Plus tôt dans l’après-midi, Marion Maréchal-Le Pen avait maintenu sa proposition polémique de couper les subventions de la région au planning familial : «Il s’agit d’associations déjà largement subventionnées par l’ensemble des échelons, qui vivent en situation de rente, a jugé la députée FN devant la presse. Elles sont également très politisées, très à gauche, se définissent comme féministes et soutiennent la théorie du genre que je considère inepte». La frontiste a également qualifié le planning familial de «totem en France, car ce sont des associations satellites de la gauche».

Formulée dans une réunion publique de la Manif pour tous, le 13 novembre, et d’abord passée inaperçue, la propositon a suscité depuis jeudi de nombreuses réactions négatives. Y compris de la part de Marine Le Pen : «J’ai beaucoup d’autres choses à faire, beaucoup plus importantes que ça à la tête de la région, notamment mettre en place le patriotisme économique, avait tranché la présidente du FN sur I-Télé, vendredi matin. Il y a une proposition qui est celle de la tête de liste en Paca. Encore une fois, ça n’est pas dans les projets du Front national».

«Zones de confort»

Ce malaise n’a pas transparu dans la soirée, lors du meeting niçois. L’épisode confirme cependant, si besoin était, l’existence de deux sensibilités au sein du Front national. Marine Le Pen cultive en matière de mœurs un certain neutralisme, sauf lorsque ce registre lui permet de mettre en cause le «communautarisme islamique». Invitée comme les autres candidats régionaux à répondre aux questions de la Manif pour tous, le 6 novembre à Lille, la présidente du FN a d’ailleurs décliné l’invitation. De son côté, Marion Maréchal-Le Pen revendique un conservatisme d’inspiration catholique. Et si elle partage les réserves de sa tante vis-à-vis de la Manif pour Tous, perçue comme un faux-nez de l’ex-UMP, elle a de son côté pris part aux défilés contre le mariage homosexuel. 

«Il n’y a pas au FN deux blocs antinomiques qui ne se parlent pas», assurait récemment la députée frontiste. Tout en reconnaissant «des centres d’intérêt, des zones de confort différentes. Certains seront plus portés sur les questions monétaires. Nous, c’est autre chose». Sources de futurs conflits, selon certains observateurs, ces différences ne semblent pas devoir déboucher dans l’immédiat sur une guerre interne. En pleine dynamique, le parti se trouve en mesure de distribuer un nombre croissant de mandats à ses cadres, toutes sensibilités confondues. De quoi rendre superflu tout affrontement de courants – sauf pour les cadres tenus à l’écart de cette manne électorale. Une nouvelle performance électorale en décembre serait ainsi le meilleur antidote aux crises de parti… et aux disputes familiales. 

Dominique Albertini