Drahi défie Bolloré et Canal+ en s’offrant les droits du Championnat d’Angleterre en France

Paris – La bataille que se livrent les magnats des mdias franais a pris une nouvelle dimension jeudi, le groupe de Patrick Drahi, Altice, ravissant Canal+ les droits de diffusion du championnat d’Angleterre de football, la Premier League, le plus suivi du monde.

« La Premier League se réjouit d’annoncer qu’Altice a obtenu les droits exclusifs de diffusion en France et à Monaco, ainsi que les droits non-exclusifs à Andorre, Luxembourg et en Suisse pour les trois saisons allant de 2016-2017 à 2018-2019« , a indiqué l’organisateur de la Premier League en confirmant une information révélée par L’Equipe plus tôt dans la journée.

Le montant de l’accord pour la retransmission des matchs de Manchester United, Arsenal et Chelsea n’a pas été dévoilé.

Cependant le quotidien économique Les Echos croit savoir qu’Altice, qui détient SFR/Numéricable, « aurait mis sur la table plus de 300 millions d’euros » quand Canal+ avait déboursé 189 millions d’euros pour les trois saisons se terminant à l’été 2016.

La Premier League fait l’objet d’une convoitise particulière: la diffusion de ses matches au Royaume-Uni sur la période 2016-2019 avait fait l’objet en février 2015 d’un contrat record de 2,3 milliards d’euros par saison.

Par comparaison, la Ligue de football professionnel n’empochera en France que 748 millions d’euros par an entre 2016 et 2020.

– Revers cinglant –

Propriétaire de « Ma Chaîne Sports« , Altice s’était déjà payé certains droits exclusifs sur des compétitions moins prestigieuses, comme les cinq prochaines saisons du championnat français de basket.

Le groupe avait aussi annoncé mi-novembre s’être offert l’attaquant du Real de Madrid et capitaine de l’équipe du Portugal, Cristiano Ronaldo, en « ambassadeur« .

Avec le foot anglais, Altice passe dans une autre dimension et pourrait donner un coup de fouet à « Ma Chaîne Sport« , dont l’exposition reste bien moindre que ses concurrents Canal+ et BeIn Sports.

La perte des droits de la Premier League, le seul championnat européen que Canal+ possédait encore en exclusivité, représente à l’inverse un revers cinglant pour la chaîne, propriété du groupe Vivendi.

Déjà bousculé par la concurrence du géant américain de la vidéo à la demande par abonnement Netflix sur le cinéma, Canal+ doit aussi faire face aux assauts de BeIn Sports, la filiale du groupe qatari Al-Jazeera, qui a raflé les droits d’une bonne partie de la Ligue des Champions et de la Ligue 1 ainsi que l’exclusivité sur les championnats de football espagnol, italien et allemand.

Vincent Bolloré, actionnaire majoritaire de Vivendi, a récemment repris les rênes de Canal+ pour tenter de relancer le groupe. Il avait affirmé mi-novembre devant les salariés qu’il était « indispensable » de réinvestir dans le sport pour retenir ses abonnés.

Fin septembre, Canal+ Group avait perdu 88.000 fidèles en un an en France.

La chaîne cryptée n’est pas directement menacée par un acteur de taille équivalente qui voudrait la décapiter mais est fragilisée par « l’addition de petites attaques sur les bases qui ont fait son succès« , estime Florence Le Borgne, responsable des activités télés et contenus numériques au cabinet Idate.

A la Bourse de Paris, le titre de Vivendi a perdu jeudi 0,80% à 19,95 euros quand celui d’Altice à Amsterdam s’est envolé de 7,57% à 14,00 euros.

Cette opération représente aussi un nouvel épisode dans la guerre ouverte à laquelle se livre les grands groupes de médias et télécoms français.

Alors que Patrick Drahi, déjà propriétaire de Libération et du groupe L’Express, s’apprête à entrer au capital de NextRadioTV, et que Vincent Bolloré vient de prendre le contrôle de Canal+, le patron d’Iliad (Free) Xaviel Niel s’est récemment associé au banquier Matthieu Pigasse et au producteur télé Pierre-Antoine Capton pour créer un fonds de plusieurs centaines de millions d’euros visant à racheter des médias.

Xavier Niel est aussi venu bousculer frontalement Vincent Bolloré en entrant fin octobre au capital de Telecom Italia, dans lequel Vivendi venait tout juste de renforcer sa participation.

« On est là face à quelques capitaines d’industrie qui ont une vraie volonté d’imposer une forme assez similaire de développement« , ayant « envie de se positionner très fortement sur un secteur« , étant prêts « à faire des investissements conséquents » et « n’espérant pas une rentabilité immédiate« , estime Florence Le Borgne.