24 Heures du Mans : Toyota et Porsche, stupeur et tremblements

Au Mans, la belle mécanique s’est tout à coup arrêtée net, dans la stupeur générale, à quelques secondes de l’arrivée. La Toyota n° 6 filait vers la victoire, mais elle a stoppé sans explication, avant d’entamer son dernier tour. Même les fans ne savaient s’il fallait se réjouir, applaudir, pleurer ou partir. Sur la ligne de départ, il flotte une atmosphère pesante. Dans le garage de la firme nippone, c’est la consternation. « On ne pouvait pas imaginer un scénario aussi cauchemardesque. Perdre comme ça, c’est insupportable », susurre Hugues de Chenac, soutien opérationnel du Toyota Gazoo Racing. À quelques mètres de là, c’est l’euphorie chez Porsche. Neel Jani franchit la ligne le premier. Romain Dumas et Marc Lieb tombent dans les bras l’un de l’autre et s’écroulent par terre. L’ambiance est surréaliste. « J’ai forcément une pensée pour Toyota. Mais gagner, c’est mémorable », explique le Français Romain Dumas.

Toyota, cruelle désillusion

Pour la 19e fois, la marque japonaise échoue à remporter les 24 Heures du Mans. Pourtant, jamais pendant le tour de l’horloge les Toyota n’ont été inquiétées. Mieux, pendant toute la nuit, les deux prototypes menaient la course et se sont battues à armes égales avec la Porsche n° 2. Il a donc fallu attendre le dernier tour pour constater le premier problème technique d’une Toyota. Le scénario a basculé alors qu’il ne restait que 13 kilomètres à parcourir. « Ce matin, nous avions nos deux voitures, nous avions encore un joker », confie Hugues de Chenac. Las, la Toyota n° 6 se fait distancer avant le cruel sort de la Toyota n° 5. Un seul équipage monte donc sur le podium, celui constitué par Sarrazin-Kobayashi-Conway. Mais la fête n’y est pas pour l’écurie, qui venait de dominer la course comme jamais.

We must not forget the team effort that is involved with racing at #LeMans24. @FIAWEC#Toyota#TS050pic.twitter.com/BO3U79Owbo

— TOYOTA WEC Team (@Toyota_Hybrid) 19 juin 2016

Porsche, la victoire inattendue

« Ça fait malheureusement partie des faits de course, même si ce que nous avons vécu est extraordinaire », dit Romain Dumas en souriant. Le Français s’impose pour la deuxième fois au Mans, la première avec Porsche. Avec Lieb et Jani, la Porsche n° 2 caracole en tête du Championnat du monde. Mieux, Porsche conserve sa couronne, un an après avoir signé un doublé sur le circuit sarthois. « Ça faisait trente ans que le poleman ne s’était pas imposé à Mans. Et nous l’avons fait », s’extasie l’Héraultais.

Ce retournement de situation ne fera pas oublier les déboires de l’autre équipage Porsche (la n° 1). À 23 h 30, Hartley est obligé de rentrer au stand à cause d’un problème de surchauffe du moteur. Le prototype restera dans les stands pendant 1 h 22, enlevant toute chance de s’imposer. Finalement, le trio Webber-Hartley-Bernhard finit à la 13e place.

Audi, c’est grave, docteur (Ullrich) ?

La victoire à Spa en mai dernier – premier succès d’Audi depuis un an – laissait présager une belle prestation au Mans pour la marque allemande. Las, l’écurie a été rattrapée par de multiples problèmes techniques : changement de turbo (à 16 h 20), arrêt en plein milieu de la piste (2 h 51) pour la R18 n° 7 (Fässler-Lotterer-Tréluyer) alors que les freins ont dû être changés sur l’Audi n° 8 (23 h 20, Duval-Jarvis-di Grassi). Mais l’incroyable retournement de situation a permis à Audi de hisser la n° 8 sur le podium, malgré douze tours de retard sur la Porsche victorieuse ! La seconde Audi, la n° 7, termine quatrième à 17 tours ! Un affront pour le docteur Ullrich, le patron de l’écurie qui avait souhaité une nouvelle R18 après la défaite de l’an dernier face aux Porsche. Pour la première fois, les prototypes d’Ingolstadt ont été équipés de batterie lithium-ion et ont abandonné l’antique volant à inertie. Il ne restait plus qu’à assurer en termes de fiabilité, et c’est complètement raté, quel que soit le dévouement.

VIDEO: Race recap Hours 13-16 #WEC#LeMans24#LeagueofPerformancehttps://t.co/p7UkmaUjOL

— Audi Sport (@audisport) 19 juin 2016

Frédéric Sausset (aussi) a marqué l’histoire

Il s’est imposé dans le cercle très fermé des pilotes ayant terminé les 24 Heures du Mans. Frédéric Sausset a réussi son tour d’horloge et son pari sur la vie en devenant le premier pilote quadri-amputé à participer à la plus grande course d’endurance au monde. Le pilote a assuré ses cinq relais, dont le dernier tour, et la Morgan SRT spécialement adaptée a tenu bon, malgré un problème d’embrayage qui a immobilisé la voiture au stand pendant une heure. Au volant, Frédéric Sausset s’est éclaté : « Les autres pilotes m’ont presque tous fait coucou ! » Avec ses coéquipiers Christophe Tinseau et Jean-Bernard Bouvet, il termine 40e sur 60 et a eu le droit de monter sur le podium pour marquer son exploit. Chapeau, l’artiste !

Back from track. Relais sans faute dont un 4’02 » cool. @flemans2016@Onroak@24heuresdumanspic.twitter.com/RXSOvBKQiM

— Fred SAUSSET (SRT41) (@flemans2016) 19 juin 2016

Les autres vainqueurs : Alpine et Ford à la fête !

Sur les 60 engagés, seulement 11 bolides ne sont pas parvenus à rallier l’arrivée. Une façon de garantir le spectacle pendant 24 heures à tous les étages. En LMP2, l’Alpine n° 36 (Menezes-Lapierre-Richelmi) s’impose, de quoi rappeler la victoire en 1978 du duo Jaussaud-Pironi. En GTE-Pro, la victoire revient à la Ford n° 68 (Hand-Bourdais-Muller). Un succès historique, après les quatre succès consécutifs acquis entre 1966 et 1969 avec la mythique GT40. Pour sa 11e participation aux 24 Heures, Sébastien Bourdais s’impose pour la première fois. Ford avait anticipé cette victoire sur les réseaux sociaux en l’imaginant… en Lego. Regardez la vidéo :

Brick-by-brick. Ford GT’s historic 1966 victory recreated by the @LEGO_Group#FordLeMans#LEGOspeedchampionshttps://t.co/6wIZGQ0zcf

— Ford in Europe (@FordEu) 16 juin 2016