Terres lointaines : Floreana, la perle des Galapagos

C’est sur l’île Floreana qu’ont débarqué les premiers occupants des Galapagos, à savoir des pirates. Puis sont venus des personnages fleuris : un dentiste allemand, végétarien en quête d’une vie saine qui mourut après avoir mangé du poulet avarié, une baronne venue avec ses deux amants qui s’autoproclama « impératrice de Florenana ».

Au XIXe siècle, la position stratégique de l’île n’avait pas échappé à un riche marchand basque, Léon Uthurburu. Le 27 juillet 1844, le ministre des Affaires étrangères de Louis Philippe, François Guizot, reçoit une lettre de ce monsieur, nommé vice-consul de France à Guayaquil. Dans sa missive, le diplomate fait part de l’intention du dictateur équatorien, le général Flores, de vendre les Galapagos. À la suite de fréquents revers de fortune, ce dernier ne peut plus payer les forces armées. Le vice-consul écrit : « Vaniteux et prodigue par caractère, et de plus porté aux spéculations souvent ruineuses, le général Flores se trouve disposé à exploiter les avantages liés à l’influence illimitée qu’il exerce dans les affaires de la République. Il a entrevu qu’en vendant les Galapagos aux étrangers il lui reviendrait un pot-de-vin considérable. »

Le mécène de Barcus

Visionnaire, Léon Uthurburu envisageait le percement d’un canal qui aurait permis de relier plus directement les colonies antillaises de l’Atlantique à celle de Tahiti dans le Pacifique. En revanche, au sein du gouvernement de l’époque, c’était pure utopie et les Galapagos ne restaient tout au plus qu’un port de relâche pour les baleiniers. La réponse à la lettre resta donc morte. Mais, dès 1824, Léon Uthurburu s’était enrichi. Parmi ses débiteurs, il y avait un autre général, Villamil, proche du dictateur Flores. Il avait fondé une société de colonisation dont il contrôlait les deux cinquièmes. Incapable de rembourser ses dettes, il céda l’île de Floreana à son créancier.

Plein aux as, Léon revient à Barcus en 1853, sous Napoléon III, avant de décéder en 1860. Il lègue tous ses biens au village basque de Barcus, dont les deux cinquièmes de l’île Floreana rebaptisée, en France « l’île des pauvres de Barcus ». Depuis plus d’un siècle, le village basque réclame en vain ses droits sur cette terre volcanique, peuplée d’iguanes. En 1886, sous la IIIe République, la France tente de timides et brèves démarches. Comme l’avait prévu Léon, le canal de Panama était ouvert à la navigation, mais l’action n’aboutit à rien. « La question reste toutefois embrouillée », reconnaît Bruno Fuligni (1). Face à la difficulté qu’il y aurait à faire valoir les droits cédés par Villamil, la diplomatie reprit ses droits. En 1887, la France reconnaît la souveraineté de l’Équateur afin de couper court aux ambitions des autres pays dans la région. Malgré tout, pour les habitants de Barcus, Floreana est toujours leur bout de France lointain. « Et quand, en janvier 2001, une marée noire touche les côtes des Galapagos, les habitants de Barcus enragent qu’on ose souiller leur île », conclut l’historien.

(1) « Tour du monde des terres françaises oubliées » de Bruno Fuligni (éditions
 du Trésor, 18 euros).