Avec Mitsubishi, Ghosn entre dans le club des « 10 millions »

Première victime, mais aussi premier à obtenir une forme de réparation ! Victime d’une tricherie sur les émissions polluantes réalisée par son partenaire Mitsubishi qui lui fournit des moteurs, Nissan a très vite annoncé vouloir voler à son secours… à condition que l’ampleur du scandale reste gérable. Elle doit l’être puisque, comme nous l’annonçions hier, le constructeur d’automobiles japonais qui a partie étroitement liée avec Renault depuis 1999, met un pied dans Mitsubishi. En prenant jeudi une participation de 34 % dans son compatriote Mitsubishi Motors (MMC), son PDG Carlos Ghosn devient plus grand que grand même s’il y met les formes. Il doit en effet prendre la tête du conseil d’administration de MMC, mais se contenter d’un rôle de conseil au niveau opérationnel.

« Plus tôt dans la journée, Nissan a réalisé le rachat d’une part de Mitsubishi Motors pour un montant de 237 milliards de yens (2,1 milliards d’euros au cours actuel), et j’ai l’honneur de prendre la parole en tant que futur président du conseil d’administration », a déclaré M. Ghosn, également PDG du français Renault, lors d’une conférence de presse à Tokyo devant un seul logo, celui de Mitsubishi Motors. Sa nomination reste soumise à l’approbation des actionnaires de MMC, qui semble acquise faute d’autre solution crédible, lors de l’assemblée générale qui devrait se tenir en décembre. De même, le rapprochement requiert l’assentiment de trois autres administrateurs venus de Nissan, ce qui relève de la simple formalité.

Gourvernance, mais pas opérations

L’actuel PDG de Mitsubishi Motors, Osamu Masuko, gardera un temps au moins le poste de directeur général exécutif « pour mener la transformation nécessaire de la compagnie », aux prises avec un scandale de falsification de données. Nissan s’était porté au secours de son compatriote en mai, moins d’un mois après les premières révélations de fraude.

M. Ghosn a tenu à minimiser son rôle en insistant sur la distinction entre les deux fonctions. « Le conseil d’administration est chargé de la gouvernance, pas de la direction opérationnelle de la compagnie, il est là pour s’assurer que les règles et procédures existent et sont respectées » et pour « garantir la transparence », ainsi que pour « apporter conseil et soutien », a-t-il insisté. « Oui, je serai impliqué dans trois entités, mais pas de la même manière », a ajouté le patron, pressé de questions par les journalistes sur sa triple casquette (Nissan-Renault-MMC).

M. Masuko s’est pour sa part dit « ravi que cette transaction ait abouti », seule voie selon lui pour que sa compagnie « survive face aux rapides mutations de l’industrie automobile ». Nissan devient ainsi « le plus important actionnaire de Mitsubishi Motors », devant les groupes de la galaxie Mitsubishi. Les trois plus importants actionnaires institutionnels de MMC – Mitsubishi Heavy Industries, Mitsubishi Corporation et la Banque de Tokyo-Mitsubishi UFJ – ont salué l’investissement de Nissan et apporté leur soutien au conseil. À l’avenir, ces trois actionnaires institutionnels Mitsubishi détiendront ensemble, avec Nissan, plus de 51 % du capital social.

M.Masuko a indiqué s’attendre à des synergies entre les deux groupes de 25 milliards de yens (220 millions d’euros) à la fois « dans le partage d’usines, de plateformes, de R&D ».

« Nous allons codévelopper des technologies pour les voitures autonomes, pour lesquelles existe une forte compétition », a détaillé M. Masuko, alors que Nissan revendique une avance dans ce domaine. Il a aussi évoqué une possible collaboration avec Renault, bien placé dans les moteurs diesel.

Une alliance à 10 millions de voitures

Inversement, MMC pourra apporter son expertise dans les véhicules hybrides rechargeables et sa forte implantation en Asie du Sud-Est. Mais avant tout, le constructeur, qui redoute une lourde perte nette pour l’exercice en cours, va devoir s’efforcer de restaurer son image, déjà entachée par une précédente affaire de dissimulation de défauts dans les années 2000.

« C’est la priorité numéro un », a rappelé M. Ghosn. « Nous devons empêcher que ne se reproduise ce type de problème », a renchéri M. Masuko, brandissant une liste de « 31 initiatives ».

S’il a reconnu que ce ne sera pas une tâche facile, Carlos Ghosn y voit l’occasion d’étendre l’emprise du partenariat noué avec le français Renault en 1999, et de réitérer l’expérience conduite depuis pour redresser un Nissan au bord de la faillite. La nouvelle alliance, qui compte aussi le russe Avtovaz, verra ses ventes annuelles avoisiner les 10 millions de véhicules, non loin du trio de tête mondial composé du japonais Toyota, de l’allemand Volkswagen et de l’américain General Motors (GM).

À la Bourse de Tokyo, les investisseurs qui se souviennent du redressement opéré à marche force de Nissan par Carlos Ghosn ont applaudi à la nouvelle de l’arrivée de super PDG aux six marques désormaisà la tête de MMC. Le titre a bondi au cours des deux dernières séances. La maison de courtage Nomura a ainsi salué, dans une note citée par l’agence Bloomberg, un « dirigeant à poigne » capable d’accélérer la transformation du groupe, critiqué pour sa culture d’entreprise opaque et fermée.

Ghosn en première ligne

Et ils ne seront pas déçus, car, afin de se consacrer pleinement à la nouvelle mission, le déjà bien occupé PDG de l’alliance Renault-Nissan,a nommé aussitôt un Japonais comme coprésident de Nissan afin de le soulager dans sa mission de redressement de Mitsubishi Motors Corporation (MMC). C’est son actuel numéro deux et directeur de la compétitivité, Hiroto Saikawa, qui est promu à ce poste.

« Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une mise en retrait de ma part. Ce que je dis, c’est que j’aurai besoin de temps pour soutenir MMC », a déclaré M. Ghosn lors d’une conférence de presse à Tokyo. « Nous faisons un grand pas en avant, nous devons adapter notre organisation » afin de « ne pas relâcher notre attention sur la performance de Nissan », a justifié son PDG. L’urgence, a-t-il dit, est à la remise sur pied de Mitsubishi Motors.

« C’est la priorité numéro un », a insisté M. Ghosn qui espère ainsi réitérer l’expérience conduite au début des années 2000 pour sauver un Nissan au bord de la faillite. Le partenariat devrait générer des synergies annuelles récurrentes significatives pour MMC, qui laissent espérer une augmentation de 1 point de pourcentage de la marge bénéficiaire d’exploitation pour l’exercice 2017, 2 points de pourcentage pour l’exercice 2018, et plus de 2 points de pourcentage pour l’exercice 2019.