Sarkozy, les coulisses d'une (très) courte soirée !

En apprenant les chiffres de la participation fournis à la mi-journée par la haute autorité de la primaire de la droite, les sarkozystes font grise mine. La barre des 2,5 millions de votants qu’ils avaient pronostiquée sera enfoncée. À cet instant, on s’achemine vers 3,3 et même 3,5 millions d’électeurs, pensent les plus réalistes. In fine, on en comptera plus de 4,1 millions ! Les proches de l’ancien président comprennent que la première place qui était encore leur objectif devient illusoire. Une pointe d’espoir renaît à la lecture des chiffres de la mobilisation des électeurs sudistes. À l’heure du déjeuner, 10 % du corps électoral des Alpes-Maritimes s’était déplacé dans les urnes, contre un peu moins de 6 % par exemple en Normandie. « Il existe encore un chemin de crête », ose un fidèle. D’autant que les chiffres des territoires ultra-marins sont bons grâce à des scores très flatteurs à Saint-Martin, à La Réunion ou à Mayotte.

Dans l’après-midi, il est acquis que la vague Fillon devient un raz-de-marée. Vers 18 heures, trois études d’instituts de sondage donnent à Nicolas Sarkozy la troisième place. Mais toutes soulignent que l’écart avec Alain Juppé reste faible et qu’il faut rester prudent. Au même moment germe l’idée qu’en cas de qualification pour le second tour, l’ancien chef de l’État pourrait annoncer dès ce soir qu’il renonce au scrutin du 27 novembre et se désiste immédiatement. « Cela aurait eu beaucoup de classe, confesse un tenant de cette ligne. Nicolas partait sur un geste inédit et bouclait la boucle : il a mis en place les primaires et parachève leur triomphe en offrant un sceptre en or massif à son ancien Premier ministre ». Lorsque Sarkozy arrive à son QG de campagne peu après 19 heures, il valide cette option au point qu’un embryon de discours est préparé.

À cet instant, l’opinion majoritaire est que les bataillons de sarkozystes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Gard, de Corse ou des Hauts-de-Seine viendront rééquilibrer le rapport de force et assurer sa deuxième place à l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine. Expert de la carte électorale, Éric Ciotti se montre plus pessimiste, car les premiers bulletins dépouillés dans les Alpes-Maritimes constatent certes un effondrement de Juppé, mais une percée de François Fillopn dans des bureaux où on ne l’attendait pas.

Les bataillons du Sud ne répondent plus !

Peu avant 20 h 30, quand Thierry Solère annonce les premiers résultats officiels, l’écart entre Juppé et Sarkozy reste rattrapable. La fusée Fillon est créditée de 43,6 % des voix, et Alain Juppé de 26,2 %. À peine 2 000 voix de plus que l’ancien président qui, à cette heure, sort à 23,7 %. Les 90 minutes qui suivent se révèlent cruelles et stupéfiantes. Dans les Alpes-Maritimes – plus de 110 000 votants –, Fillon vire en tête avec plus de 40 % des voix, Sarkozy est à 34 % et Juppé à 19 %. Dans les Bouches-du-Rhône (130 000 votants), le tiercé est le même avec un Sarkozy sous les 30 % et un Juppé au-dessus de 22 %. Idem dans le Gard, le Var, le Vaucluse, et jusque dans les Hauts-de-Seine ! À Levallois, chez les Balkany, Fillon est devant Sarkozy. Bref, le sursaut n’a pas lieu. Il n’y a qu’en Corse que l’ancien ministre de l’Intérieur maintient son leadership : mais ce sera nettement insuffisant pour renverser la vapeur. Chaque quart d’heure, au fur et à mesure que la haute autorité met à jour les résultats, François Fillon poursuit sa marche en avant, tandis que l’écart entre ses deux poursuivants grandit. Plus de 8 points les séparent finalement ce lundi matin.

Nicolas Sarkozy, rejoint en début de soirée par son épouse Carla Bruni, prend alors un soin particulier à rédiger son discours d’adieu. Sa garde rapprochée est pétrifiée, certains pleurent, la plupart restent incrédules, tandis qu’il est le seul à afficher une mine détachée. « À cette heure, il estimait avoir fait une belle campagne, d’avoir tout donné, d’avoir fait ce qu’il fallait, rapporte un de ses soutiens. Sa seule erreur fut de croire jusqu’au bout que la participation populaire à cette primaire serait contenue. Or, le scrutin a attiré les anti-Hollande et les anti-Sarkozy, cela assurait cette consultation d’un succès hors norme ! »

Après avoir prononcé un discours empreint d’émotion, l’ex-chef de l’État salue et remercie encore quelques membres de son équipe, console ceux qui se lamentent et rentre tranquillement chez lui. « Il n’a jamais montré la moindre amertume, rapporte un témoin. J’oserai dire que sa femme et lui semblaient presque soulagés. » Comme si cette fois-ci le grand livre de la politique était définitivement fermé et qu’il allait enfin pouvoir en ouvrir un autre…