Fillon l’entrepreneur, Juppé l’employeur: le match des programmes

Dans les grandes lignes, François Fillon et Alain Juppé, les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre, ont un programme économique proche (rigueur budgétaire, fin des 35 heures, baisse de charges…) Mais sur de nombreux sujets, ils ne portent pas le curseur au même niveau.

Une famille, deux candidats. Pour cette finale de la primaire de la droite et du centre, ce sont deux sensibilités qui s’affrontent. Deux anciens Premiers ministres qui ont décidé de mettre l’accent sur les entreprises et une politique fiscale très orientée sur la famille. Ce qui les rassemble, ce qui les sépare. L’Express passe au crible les deux programmes de François Fillon et d’Alain Juppé.

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Rigueur budgétaire

Dans ses « 15 mesures phares », François Fillon attaque d’entrée sur la question budgétaire. Sa première proposition vise à faire 110 milliards d’euros d’économies en cinq ans. C’est presque le triple de ce qu’a réalisé François Hollande dans le cadre de son pacte de responsabilité (40 milliards sur trois ans).

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Chez Alain Juppé, « l’effort » est sensiblement du même tenant, « entre 85 et 100 milliards d’euros ». Avec une ventilation très forte pour « résorber notre déficit structurel (57 milliards d’euros) et financer les baisses d’impôts (28 milliards) » (voir plus bas). Si les deux candidats promettent de serrer la vis en matière de dépense publique, François Fillon à la main un peu plus lourde.

Fin des 35 heures, plafond des 48 heures

Sur la question du temps de travail, François Fillon se montre plus permissif qu’Alain Juppé. Mais les deux candidats veulent en finir avec les 35 heures, « une utopie » pour François Fillon qui souhaite commencer par « le passage aux 39 heures dans le secteur public (qui) montera la voie aux négociations dans le secteur privé ». A la clé, 500 000 postes en moins dans la fonction publique.

Chez Alain Juppé, on voudrait également augmenter le temps de travail des fonctionnaires, mais en passant par la case négociations. L’objectif de baisse des effectifs est plus mesuré dans le programme du maire de Bordeaux, « 300 000 emplois publics » qui représentent « 10 milliards d’euros » d’économie dans son cadrage budgétaire.

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Dans le secteur privé, le maire de Bordeaux veut donner au préalable un temps au dialogue social dans les entreprises. Il laissera deux ans aux partenaires sociaux pour se mettre d’accord, faute de quoi la durée du travail sera automatiquement portée à 39 heures.

Pour François Fillon, la ligne est plus directe. Au-delà de faire sauter le verrou des 35 heures, le député de Paris souhaite se ranger derrière la réglementation européenne. « La loi fixera la seule durée maximum du travail hebdomadaire selon la norme européenne », écrit-il dans son programme. Soit 48 heures par semaine.

Baisse de charges massives dans les entreprises

« Les prélèvements fiscaux directs sur les entreprises sont deux fois plus élevés en France qu’en Allemagne ». Partant de ce constat, très largement martelé par le Medef, François Fillon veut redonner des marges aux entreprises. Il promet 40 milliards de baisses de charge sur le travail pour tous les salaires (Pierre Gattaz en voulait 100 milliards lors de son élection en 2013) et s’engage sur une « stabilité fiscale pour cinq ans ». C’est un signal fort envoyé aux entrepreneurs qui ne cessent de réclamer de la visibilité.

Autre appel du pied appuyé aux patrons, François Fillon veut « recentrer le code du travail sur les normes fondamentales » et « alléger fortement les taxes et impôts pesant sur les entreprises et sur l’investissement en alignant le taux de l’impôt sur les sociétés (IS) sur les pays européens ». Soit une baisse de 10 points (33,3 % en France contre 23% en moyenne dans l’UE).

Alain Juppé (g) et François Fillon, le 20 novembre 2016 à Paris

Alain Juppé (g) et François Fillon, le 20 novembre 2016 à Paris

afp.com/Martin BUREAU, Thomas SAMSON

En face, Alain Juppé veut lui aussi s’attaquer aux effets des seuils sociaux (« neutralisés pendant 5 ans ») qui plombent la croissance des effectifs des entreprises. Il souhaite également baisser l’IS, mais progressivement et selon la taille des sociétés. « Ce taux sera fixé dans un premier temps à 24 % pour les PME puis convergera à terme vers 22%, et à 30% pour les ETI et les grandes entreprises », explique le maire de Bordeaux qui espère convaincre les patrons d’embaucher en mettant l’accent sur les bas salaires.

Alain Juppé propose ainsi un dispositif « zéro charge employeur au niveau du Smic » et une formule dégressive « jusqu’à 1,8 Smic ». « Ce dispositif permettra la création rapide de 200 000 emplois minimum », assure Juppé. Le « zéro charge » est un grand classique de la politique gouvernementale, Nicolas Sarkozy y a eu recours dès 2009, Manuel Valls pas plus tard qu’en 2015. Enfin, le maire de Bordeaux veut introduire dans le CDI « des motifs prédéterminés de rupture ».

Des nuances sur les impôts, les taxes et les allocs

En matière d’impôts, au-delà de la suppression de l’ISF, ils veulent tous les deux redonner des marges de manoeuvre aux familles en portant l’effort sur le plafond du quotient familial afin de le faire remonter au moins au niveau qui était le sien en 2012.

Alain Juppé propose de le relever dès sa prise de fonction à 2500 euros par demi-part (contre 1510 euros actuellement), soit un allègement estimé à 2 milliards d’euros. Chez François Fillon, on est sensiblement sur la même ligne, mais le plafond serait remonté à 3000 euros. L’ancien Premier ministre promet surtout une réduction « de 30 à 50% du montant investi dans une PME » avec un maximum fixé à 1 million d’euros. Une nouvelle main tendue aux entrepreneurs et aux investisseurs.

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Pour financer toutes ces réformes, les deux candidats proposent une politique assez proche en privilégiant une hausse de la TVA (taux normal actuellement à 20% en France contre 19% en Allemagne, 21% en Espagne et 22% en Italie). Mais François Fillon suggère de monter le curseur de 2 points, contre 1 seul pour son rival.

Enfin, les deux candidats souhaitent accentuer le contrôle sur les chômeurs. François Fillon entend plafonner les allocations chômage (à 75% du salaire) et introduire « une dose de dégressivité ». Tout comme Alain Juppé qui souhaite « que le travail paie toujours plus que l’inactivité ». Ça tombe bien, la semaine s’annonce chargée pour convaincre les électeurs.

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