Mutuelles: Fillon veut-il une « américanisation du système de santé »?

Jeudi soir, Alain Juppé a affiché « une divergence » avec François Fillon à propos des baisses de remboursements de santé. Une brèche dans laquelle s’est infiltrée Marisol Touraine pour attaquer le « programme santé » du favori. L’Express s’est penché sur la question.

« Je ne toucherai pas au taux de remboursement des Français qui a déjà été rogné dans les années passées. » Cette attaque d’Alain Juppé à l’occasion du débat d’entre-deux tours, a été l’un des rares moments d’échange direct entre les deux finalistes de la primaire à droite. Le maire de Bordeaux a souligné qu’il avait une « divergence assez profonde » sur ce point avec son rival François Fillon. Celui qui a terminé en tête du premier tour, incarne une ligne « radicale » assumée en matière économique. Mais aussi sur le terrain de la santé.

« Je veux désétatiser le système de santé français, a répondu François Fillon à son opposant. Oui, je propose que la Sécurité sociale se concentre sur les risques principaux (…) Je souhaite que pour ce que l’on appelle le petit risque [en opposition aux maladies de longue durée], on aille vers les assurances complémentaires. » C’est-à-dire les mutuelles.

« 3200 euros de plus par an » affirme Marisol Touraine

Il n’en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds la ministre de la Santé. Sur les réseaux sociaux, en plein débat, Marisol Touraine attaque François Fillon. « J’ai fait chiffrer le programme santé de Fillon: chaque foyer paiera en moyenne 3200 euros de plus par an pour se soigner. Danger », écrit-elle sur Twitter.

Contacté par L’Express, le cabinet de la ministre détaille le calcul. « L’ONDAM 2017 [Objectif national des dépenses d’assurance-maladie] est fixé à 190 milliards d’euros. Les dépenses liées aux affections de longue durée (ALD) s’élèveront à 100 milliards d’euros en 2017. La différence (90 milliards d’euros de dépenses hors ALD) divisée par le nombre de foyers (28 millions) = 3200€. »

Un coût supplémentaire, même pour les entreprises

Un calcul un peu simpliste selon l’économiste Stéphane Billon, spécialiste des questions de santé. « En fait ce qu’oublient de dire les uns et les autres, c’est que 20% des bénéficiaires de soins consomment 80% de l’enveloppe. Quand François Fillon parle de « médicaments de confort », ce sont par exemple des anti-arthrosiques, des médicaments liés au vieillissement. Aujourd’hui ils sont remboursés à hauteur de 15% avec un très faible taux de TVA. Pour ceux qui voudront continuer à les acheter, ce sera à 20% de TVA [voire 22% car François Fillon veut augmenter le taux général de deux points]. Ce sera la double peine pour ces patients », prévient l’économiste à L’Express.

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Dans son programme, François Fillon propose de « focaliser l’assurance publique universelle sur les affections graves ou de longue durée et l’assurance privée sur le reste. » Faire appel davantage aux mutuelles « n’est pas une mauvaise chose en soit, indique Stéphane Billon, qui rappelle que 95% de la population active est couverte par une complémentaire. Les salariés s’y retrouveront. Mais la couverture varie selon les entreprises, et la cotisation sera un coût supplémentaire pour les salariés et les employeurs. »

Dès lors, on pourrait basculer vers « une américanisation du système de santé français », selon Stéphane Billon, où les entreprises du médicament pourront revoir plus librement leur grille tarifaire. « Attention alors à ne pas voir les prix doubler, voire tripler » dans les prochaines années.

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