Automobile : faut-il tordre le cou au diesel ?

Est-ce le chant du cygne ou simplement un solide rééquilibrage entre essence et diesel ? Les Français, longtemps adorateurs du gazole, s’en détachent progressivement selon un mouvement de fond qui ne semble pas près de s’inverser. S’il s’est encore vendu davantage de voitures diesel qu’à essence en France en 2016, la décrue est continue et annonce la fin de l’« âge d’or » du gazole. Celui-ci, encouragé en France en particulier par un système pervers de soutien aux ventes, au travers d’avantages fiscaux inconsidérés, a façonné une physionomie du parc automobile qui devait plus à un choix comptable que technique.

Selon le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), qui publie son bilan annuel des ventes dans l’Hexagone, 52,1 % des acheteurs de voitures particulières neuves ont choisi un modèle fonctionnant au gazole l’année dernière, une baisse de 5,1 points par rapport à 2015. Un mouvement qui se confirme nettement depuis quatre ans.

L’érosion du diesel est amorcée depuis 2012 © CCFA

L’érosion de la part du diesel est continue depuis 2012, année où elle avait atteint des sommets à 73 %. Un non-sens absolu, car entretenu par la vente de voitures urbaines réalisant des parcours fractionnés et munies de diesels qui ne lui étaient pas, par nature, destinés. Un diesel est en effet particulièrement adapté aux gros kilométrages et aux véhicules qui s’arrêtent si peu qu’ils n’ont pas le temps de refroidir, donc des véhicules de professionnels.

Érosion de l’avantage gazole

Mais la France, absolument pas freinée par ses constructeurs nationaux, a déroulé un tapis rouge au diesel et a donc séduit bien au-delà de son territoire d’élection. Les particuliers s’y sont mis massivement, alléchés par le rapport « prix du plein-autonomie ». Pour les gros rouleurs en grandes voitures, pas de problème, mais pour les autres, il s’agissait bien d’une aberration.

La perte de confiance des Français est récente. Elle a été entretenue par la publication d’études incriminant la nocivité des émissions du gazole, mais aussi par le scandale aux moteurs truqués chez Volkswagen. Il y a eu encore le resserrement des normes et des taxes, rendant ce carburant moins séduisant pour les petits rouleurs, des particuliers pour l’essentiel.

« On perd à peu près cinq points par an régulièrement, mais la tendance baissière va se confirmer, peut-être même s’accélérer en 2017 », déclare à l’AFP Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile. Le gazole a vu son prix croître d’environ 4 centimes à la pompe au 1er janvier, sous l’effet d’une hausse de la taxe sur les carburants (TICPE) et de la contribution climat-énergie, sans oublier la TVA. L’essence a moins augmenté, car la TICPE a baissé sur ce carburant.

Cinq ans pour changer

Mais si le particulier est échaudé, au point de ne plus représenter que 38 % des acheteurs en 2016, les sociétés restent logiquement encore très attirées par le diesel. La déduction de la TVA sur le gazole est suffisamment motivante, tant que l’essence, dans le cadre du grand rééquilibrage entre les deux carburants, n’atteindra pas le même taux de déduction, soit 80 %. Or, pour les entreprises, cela se fera par paliers selon les dispositions du budget 2017 et il faudra cinq ans pour les voitures et six ans pour les utilitaires légers pour obtenir une équité fiscale parfaite.

La Renault Zoé idéalise une image de la ville qui n’existe pas. Et les clients amateurs ont attendu la nouvelle version à capacité augmentée disponible début 2017 © Renault

« Le passage à l’essence se fait sur tous les segments », confirme Philippe Buros, directeur commercial pour la France de Renault, en évoquant 40 % d’acheteurs diesel chez les particuliers et 80 % pour les sociétés. Mais ce qui pourrait ébranler fortement le marché du diesel serait le passage à l’acte d’une interdiction totale du diesel en ville. Fin décembre, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal s’était dite favorable à une interdiction complète à terme des voitures diesel en France, à l’image de ce que la maire de Paris Anne Hidalgo veut appliquer dans la capitale à partir de 2025.

Progrès de l’essence

« On arrive petit à petit à l’objectif d’harmoniser les prix de l’essence et du gazole. Du coup, ce sera très compliqué d’amortir le surcoût à l’achat d’un véhicule diesel », explique M. Neuvy, qui estime que « l’âge d’or du diesel est terminé ». Un point de vue que nous partageons… tant que les règles prévues sont maintenues. Mais on sait que, d’un trait de plume, elles peuvent être rapportées ou simplement différées. La dépendance tragique des constructeurs français au diesel pourrait infléchir certaines politiques actuelles très volontaristes.

En 2016, le marché français a dépassé le seuil symbolique des 2 millions de voitures, une première depuis 2011. Les immatriculations ont crû de 5,1 % à 2,015 millions d’unités. Logiquement, les voitures essence ont conquis de nouveaux acheteurs, s’arrogeant 43,8 % du marché (+ 5,3 points). Elles l’ont fait en bénéficiant à leur tour de progrès technologiques qui ont considérablement amélioré leurs performances et réduit leurs consommations. Et ce n’est pas fini (voir notre rubrique Innovation).

Effets d’aubaine

Les hybrides (carburant-électricité) constituent, en revanche, une déception. Malgré la multiplication de l’offre, elles ont marqué le pas, se contractant à 2,9 % de part de ventes contre 3,2 % en 2015, victimes d’une fiscalité moins avantageuse. C’est bien la preuve que l’effet d’aubaine joue toujours à plein. Et lorsqu’un marché commence à trop grossir pour profiter encore des aides gouvernementales, leur arrêt cause aussitôt un trou d’air dans l’essor des ventes.

Le diesel se tasse en 2016 mais ce n’est pas au profit de l’hybride essence-électrique © CCFA

Très favorisées, en revanche, par l’État, les voitures électriques ont poursuivi leur montée en puissance, dépassant pour la première fois en année pleine le seuil de 1 % des immatriculations : 1,08 % exactement, contre 0,9 % en 2015. Attention donc à ne pas grossir trop vite, car l’électrique subirait à son tour le même sort que l’hybride. De plus, le rôle de substitution au vieux diesel qu’on aimerait leur voir jouer n’a, jusqu’à présent, pas été établi. Leurs rayons d’action respectifs sont trop différents pour être confondus. Et il y a aussi l’attentisme d’une clientèle de l’électrique qui s’informe beaucoup.

« Si le marché n’a pas explosé (en 2016), on en est un peu responsables », a ainsi plaisanté M. Buros. La nouvelle Zoé, à l’autonomie quasi doublée, a été présentée début octobre au Mondial de Paris et ne sera livrée que ce mois-ci. Or cette voiture détient plus de la moitié du marché de l’électrique français.