Aller voter dimanche, leurs mots pour le dire

 

Olivier Leberquier, ancien syndicaliste Fralib et dirigeant de la coopérative Scop TI, créée par les salariés après 1 336 jours de lutte (Provence-Alpes-Côte-d’Azur)

Union leader Bernard Thibault, center, head of the CGT union (General Confederation of Work), Mireille Chessa, left, General Secretary of the departmental CGT union and Olivier Leberquier CGT union leader of the Fralib company, attend a demonstration of public and private sectors, in Marseille, southern France, Tuesday, Oct. 11, 2011, during a national day of strike against government austerity measures. Some 200 protests are planned Tuesday in cities around the country. Banner reads "No pay". (AP Photo/Cl«Au cours de mon éducation, on m’a expliqué comment le droit de vote avait été obtenu en France. Rien que pour la bataille qu’ont mené nos aïeuls, on se doit d’aller voter. J’ai du mal à comprendre ceux qui se plaignent mais qui ne votent pas. On vous donne un pouvoir, si vous n’en voulez pas, alors ne râlez pas  ! Même si, déjà en soi, cela me paraît une évidence, ce qui s’est passé à Paris le 13 novembre donne un argument de plus pour que les gens se déplacent. Le vote et la défense de nos droits sont la meilleure réponse à donner à ceux qui veulent mettre notre démocratie à genoux. Il faut montrer qu’on la défendra jusqu’au bout. 

«Au-delà du contexte, ces élections sont capitales car des éléments essentiels se jouent au niveau régional. Dans notre lutte pour le maintien de l’activité sur le site [de Fralib] par exemple, c’est la région qui a piloté, pour l’ensemble des collectivités, la mise en place de notre solution alternative [Scop-TI]. Quand on entend les représentants du FN faire croire aux ouvriers qu’ils pourraient être une solution, je veux rappeler que seuls leurs élus régionaux se sont abstenus de voter une délibération dénonçant la fermeture de notre site… Et pourtant, cela ne les engageait pas à grand chose !

«Je sais que beaucoup d’abstentionnistes pensent que les politiques ne peuvent rien faire, que ce sont les financiers et les grands groupes qui décident. C’est vrai en partie. Mais durant notre lutte, nous avons pu constater que, quand le politique veut, il peut. En 1 336 jours de combat, nous avons traversé toutes les élections du pays, en commençant d’ailleurs par les régionales de 2010. Les travailleurs ont accueilli dans l’usine tous les représentants politiques, qui nous ont fait des promesses, tenues ou pas. Mais nous avons pu voir très concrètement dans notre cas que tout s’est réglé justement par la volonté politique. Quand le politique ne fait pas, c’est qu’il ne veut pas. Pour cela, le seul bulletin de vote ne suffit pas  : il faut créer un rapport de force permanent. Il faut aller voter pour mettre les bonnes personnes au pouvoir et, par la suite, continuer à batailler au jour le jour pour leur faire faire ce pour quoi ils ont été élus.»

(Photo Claude Paris.AP)

Magyd Cherfi, chanteur du groupe Zebda (Languedoc Roussillon-Midi Pyrénées).

Members of French band Zebda (LtoR) Joel Saurin, Mouss Hakim Amokrane Remi Sanchez and Magyd Cherfi pose on October 11, 2011 in Cahors, at the beginning of a French tour, heigt years after the band split up. AFP PHOTO/PASCAL PAVANI«C’est un peuple dérouté qui ira voter dimanche. La France se demande qui elle est, par rapport à ses valeurs à la fois chrétiennes et républicaines qu’elle a paumées en route. Le FN est devenu imbattable car une masse de Français se dit  : c’est quoi cette société dans laquelle on ne se retrouve pas  ? Moi je vote à gauche plutôt deux fois qu’une car le fils de prolo immigré que j’étais est devenu un bobo. Mais beaucoup de pauvres que je connais ne votent ni à gauche ni à l’extrême gauche mais à l’extrême droite, voire à droite. J’ai intégré l’arrivée au pouvoir du FN. Trop de Français le veulent. Il faut désormais éprouver. Ça fait trente ans que la France flirte avec le FN. Je dis banco et je suis prêt à entrer en résistance. J’irai aux urnes quoi qu’il en soit parce que je suis un enfant gâté de la République, je pèse ce qu’est un état de droit, ce qu’est la liberté. La France est un pays balèze, je ne suis pas sûr qu’il fallait instaurer l’état d’urgence. On paye ici la lâcheté politique vis-à-vis des banlieues, de l’islam et de la République. Dimanche, il faut s’attendre à une abstention énorme, notamment des jeunes des quartiers. Pour eux, les mots de République, «nation», «patrie», sont une combinaison pour les appâter.»

(Photo Pascal Pavani.AFP)

Philippe Froguel, professeur de médecine, directeur de recherche à l’Institut Pasteur de Lille (Nord-Pas-de-Calais-Picardie)

Philippe frogel«Il faut voter pour éviter le pire. Il ne faut pas que le FN prenne la région. Sur le plan économique, ce serait une catastrophe. Non seulement son programme est irréaliste et ne permettrait pas de créer des emplois, mais son élection en ferait perdre. Pour des raisons d’image, certaines entreprises ne viendraient plus, d’autres renonceraient à des projets. Marine Le Pen a dit tout le mal qu’elle pensait des chercheurs. Si elle est élue, j’envisage d’ailleurs ­d’aller faire de la recherche ailleurs. Sans effort ­de recherche, il n’y a plus ­d’implantations ­d’entreprises, donc un chômage en hausse. Aux gens qui disent «on a tout ­essayé» pour justifier leur vote FN, je réponds  : ce n’est pas vrai, on n’a pas essayé le pire. Ce n’est pas parce que la gauche et la droite n’ont pas fait si bien que ça ne peut pas être pire. Les ouvriers et les petites gens ne se rendent pas compte que leur situation ne va pas s’améliorer si Marine Le Pen est élue. Si les Français ­veulent le foutoir, la chienlit, l’absence de démocratie, ­la misère, qu’ils continuent ­à voter pour elle. Il faut voter pour lui faire barrage et, au second tour, je soutiendrai la liste démo­cratique la mieux placée. Je suis donc prêt, même si je suis un homme de gauche, à voter sans état d’âme pour Xavier Bertrand au second tour.»

(Photo DR)

Christine and the Queens, chanteuse (Ile-de-France)

Paris, le 21 mai 2014. Portrait de Heloïse Letissier, alias Christine and the Queens, auteure-compositrice-interprète française. «Le geste de voter peut sembler de plus en plus dérisoire, mais c’est justement parce qu’il n’est pas symbolique qu’il reste utile. La corvée du bulletin semble presque faire oublier qu’un bulletin, c’est une voix – la tienne. Une voix blanche ne fait qu’exister les autres avec plus de force. C’est le silence qui est symbolique – et en abandonnant les urnes, on abandonne l’action, la lutte. On croit punir une politique en refusant les alternatives, mais on se punit soi-même de ne pas faire un choix. La colère peut être une force qui éveille ; quand la cité nous écœure, il faut plus que jamais rester citoyens.»

(Photo Roberto Frankenberg)

Fabien Pelous, directeur sportif du Stade Toulousain. Ex-capitaine du XV de France (Languedoc Roussillon-Midi Pyrénées)

French captain, lock Fabien Pelous practices the line-out during a training session at the Rugby Union National Center in Marcoussis 07 November 2006. France will meet New Zealand for warm-up match at Gerland Stadium in Lyon next 11November. AFP PHOTO DAMIEN MEYER«Jamais je n’avais pensé vivre l’état d’urgence en France. Que la démocratie, qui allait de soi pour ma génération, puisse être remise en question. Dans un moment comme celui-là, c’est important d’aller voter. Dans ce contexte, le symbole de la démocratie, c’est le droit au choix. Je voyage beaucoup et les Français sont mieux lotis que 90 % de la population mondiale. Je n’ai pas envie de m’exprimer sur la montée du Front national. J’estime que je n’ai pas à le faire. Sur l’abstention, je ne pense pas qu’elle sera aussi massive que certains le disent. Au contraire je pense que dans la situation que nous vivons, les gens auront encore plus le besoin de s’exprimer avec leur vote et d’exprimer leur foi en la démocratie.»

(Photo Damien Meyer.AFP)

Ariane Ascaride, comédienne (Provence-Alpes-Côte-d’Azur)

French actress Ariane Ascaride poses as he arrives to attend the 37th Cesar Awards ceremony on February 24, 2011 at the Chatelet theatre in Paris. AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS«Je suis tellement en colère… Les événements du 13 Novembre m’ont énormément secouée. Beaucoup de personnes à Marseille ne mesurent pas ce qu’il s’est passé à Paris. Depuis trente ans, on favorise le repli individualiste. Là, il y a 130 personnes qui sont mortes… Ça suffit, il faut sortir de cet individualisme ! On n’arrête pas depuis le 13 Novembre – et à juste titre – de parler de République. Mais les élections, c’est aussi une représentation de la République. Et je suis fatiguée d’entendre dire : «Ils auraient dû faire ça ou ça.» Mais qu’est-ce que vous avez fait, vous ? On est tous responsables ! On en est arrivé à une situation épouvantable, où des personnes qui tirent l’humanité vers l’obscurantisme risquent de prendre le pouvoir. Le meilleur moyen de faire bouger les choses, c’est soi-même de prendre ses responsabilités en allant voter. Certains se bougent déjà. Mais pour que les politiques se bougent aussi, il faut qu’on soit beaucoup plus nombreux. Les élus écouteront si on fait quelque chose. La parole est à tout le monde en démocratie, il faut juste s’en servir. Je préfère qu’on se foute sur la gueule parce qu’on n’est pas d’accord plutôt que dimanche, au lieu d’aller voter, les gens aillent dans les centres commerciaux faire leurs achats de Noël. Sinon, que personne ne vienne me dire qu’il est désespéré, je ne veux pas l’entendre !»

 (Photo Bertrand Langlois.AFP)

Dominique Hervieu, chorégraphe, directrice de la Maison de la danse à Lyon (Auvergne-Rhône Alpes)

Dominique Hervieu, patronne de la Maison de la danse à Lyon. «Sur la question du vivre ensemble, la région est une espèce de laboratoire, dans le réel et dans le quotidien. Cette question devient aujourd’hui tellement essentielle, urgente, il faut la prendre à bras le corps, y réfléchir et amener des solutions. Les chefs de la région sont à ce titre-là les chefs du réel. Il faut aller voter parce qu’on ne peut pas invoquer ce fameux vivre ensemble et ne pas participer ensemble au grand moment démocratique qu’est le vote. J’espère de tout mon cœur qu’il y a aura cet élan-là, qui déterminera cinq années de vivre ensemble.

«Etant si attachée à l’éducation et à la culture, sachant l’impact qu’ont les politiques régionales sur les lycées, donc sur l’éducation et la culture, à des moments clés de la détermination des jeunes, dans leurs parcours, leurs enjeux, leurs motivations, leurs valeurs, on ne peut qu’être très concerné par cette élection.

«En tant que praticienne, en tant que personne qui agite tout ça, j’ai parfois l’impression que les gens ont la sensation que le vivre ensemble est un peu comme une magie, un slogan, quelque chose d’irréel qui ne s’applique pas vraiment à des pratiques. Quand je travaille cette chose-là, mon objectif est de rendre les gens responsables, de dire : ce projet est une addition d’individus qui, un par un, donnent la somme de comportements collectifs. Le vote est la condition des valeurs collectives et démocratiques.

«Je suis toujours assez optimiste. Je pense que cette ambiance tragique post-attentats peut réveiller cette dimension de responsabilité pour certains, en particulier pour les jeunes, qui ont eu un vrai choc. Ça n’a pas du tout été les mêmes attitudes par rapport à ces attentats-là. Ils les ont plus bouleversé, car ils ont vu que la mort pouvait s’adresser à tout le monde. Et qu’en face d’eux, ce sont des jihadistes de 20 ans. Il y a eu un choc de valeurs, de sens, de sens de la vie : qu’est-ce qu’un homme est autorisé à faire à un autre homme ? Pourquoi en arriver à cette extrémité de violence quand on a 20 ans ?

«Je ressens, au niveau de l’éducation, le besoin de redéfinir, d’élaborer, de parler, d’avoir conscience de cette idée du mal. Les choses qu’on ne pouvait pas faire n’étaient peut-être pas assez claires : au nom de quoi peut-on faire mal ? Y compris en allant jusqu’à tuer ? Ces valeurs qui ont pourtant l’air évidentes, il faut les réexpliquer : le sens de la vie, mais aussi cette force de la démocratie et du politique. J’espère que ça peut être une prise de conscience sur la grande importance du vote. J’espère.»

(Photo Hector Palister)

Mat Bastard, chanteur du groupe Skip the Use (Nord-Pas-de-Calais-Picardie)

Mat B.«Il faut voter contre le FN si l’on croit aux valeurs de ce pays. Si l’on croit à l’histoire de cette région, bâtie sur les apports culturels des Polonais, des Maghrébins, des Africains. Il faut voter contre le FN si on ne veut pas que tout ça tombe à l’eau, si on n’a pas une vision ethnocentrée de la France, si on ne veut pas être juste une étape de la conquête du pouvoir en France par Marine Le Pen. Car notre région, elle n’en a rien à faire.

«Il faut voter contre le FN si on se souvient de ce qu’il s’est passé il y a trois semaines. Des gens morts pour la liberté, et qui étaient l’essence même de la République et de sa diversité. Je vais être violent, mais pour moi, Marine Le Pen et Daech fonctionnent sur les mêmes mécanismes. Ce sont des gens qui ne se remettent pas en question, qui se disent écœurés par le système, mais qui ne voient pas d’autre issue que de haïr l’autre. Leur seul but, c’est d’avoir le pouvoir. Car l’extrême droite n’a pas changé, elle reste dangereu­se. Petit, mes parents venaient me chercher à l’école quand des mecs du GUD traînaient. Plus tard, on a vécu les descentes de skins dans les concerts. Des gens sont morts sous les coups. On se dirige vers une catastrophe et je ne veux pas être spectateur de ça. On va résister.»

(Photo DR)

Roger Siffer, comédien, chansonnier régionaliste, directeur du théâtre de la Choucrouterie à Strasbourg (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine)

Roger Siffer«Je n’ai jamais raté un seul vote de ma vie. Voter, c’est la moins pire des solutions. Et les attentats sont une raison de plus d’y aller. Ceux qui ne veulent pas du FN doivent prendre conscience qu’il faut voter. Bien sûr, c’est désagréable, on ne vote pas pour mais contre. Vu les derniers sondages, j’ai honte, mais je risque de voter utile dès le premier tour. Ceci dit, j’aurais encore plus honte d’une forte abstention et d’une victoire de Philippot. Alors, même si on vote seulement pour barrer la route au FN, pour refuser cette saloperie, ça vaut le coup, non ?

«Ces élections sont tendues, la grande région est, disons, discutable… Je suis la cible de menaces, avec d’autres artistes : «Siffer est un traître et les traîtres on les fusille.» Mes enfants ont insisté pour que je fasse une main courante au commissariat. Tout ça parce que nous ne soutenons ni les anti-fusion ni Unser land [parti politique alacacien, ndlr]… Mais ils accusent la grande région d’avoir tué une culture déjà moribonde ! Moi, je chante alsacien quand je veux, où je veux, mais pas avec n’importe qui désormais. Jean-Claude Bader (ancien adjoint de Fabienne Keller, LR) a participé à notre clip sur la liberté de pensée de l’après-Charlie. Aujourd’hui, il est sur la liste de Philippot.

«Je suis très applaudi quand je dis qu’on ne va pas se laisser terroriser par les terroristes, qu’on se fout de tous les fanatismes ! Après, il ne faut pas mettre sur le même plan la guerre, qui tue des civils chez nous, avec cette réalité sociologique effrayante d’un peuple dit civilisé qui vote extrême droite. La guerre, on peut la contrer, militairement, diplomatiquement ; la montée du FN, c’est plus compliqué… J’ai peur qu’on ne puisse pas récupérer les électeurs FN, à moins que notre pays connaisse à nouveau l’âge d’or… J’en ai un dans ma famille, convaincu que FN va changer les choses. Peut-être qu’il faut faire comme les chats : leur mettre le nez dans le caca.

«En Allemagne, la génération d’après-guerre a questionné les parents, essuyant d’abord une paire de claques. Puis, le cinéma, la littérature a tellement touillé cette histoire qu’une catharsis a eu lieu, un nettoyage a été fait. Pas en Alsace ! Nous n’avons jamais fait le tri entre les pro-nazis, les SS volontaires, les incorporés de force, ceux qui donnaient les juifs et ceux qui résistaient. On n’a jamais eu à dire qui on était ou pas, l’Alsacien vit dans une sorte d’impunité, d’inconscience par rapport à ce que peut être le FN. Ici, on n’a pas peur des fachos. Et on se victimise : «Paris ne nous aime pas». C’est confortable, on n’est jamais responsable de rien et on trouve toujours un bouc-émissaire pour dire que c’est pas nous. Quand il y a 20 ans, le vote FN a commencé à faire des bons scores en Alsace, je n’ai plus chanté en alsacien mais en turc durant ma tournée. Je me suis fait prendre au col : «tes histoires de bougnoules tu peux le faire dans ton théâtre mais pas chez nous». J’ai peur de l’idéologie de ces gens-là. Il y a une vingtaine d’années, nous avons dû fermer le théâtre, des élus vexés d’être caricaturés nous avaient coupé les subventions de la Région. Si le FN passe, on ne se déculottera pas, on bricolera, on continuera, on résistera.»

(Photo Fréderic Godard)

Jean-Guy Le Floch, PDG d’Armor Lux (Bretagne)

Jean-Guy Le Floch.«Je suis depuis toujours un fervent partisan des urnes. Pour ces régionales, il y a deux raisons qui m’inciteraient encore davantage à voter et à appeler à voter. La première, c’est que l’on vit dans une grande République, issue d’événements dramatiques –  la Révolution n’a pas été très tendre  – qui ont coûté cher à la France. Je suis amené à voyager dans pas mal de pays où la démocratie est moins développée, et quand je reviens ici, je mesure la chance inouïe que l’on a de pouvoir décider de notre avenir. Il y a encore tellement de dictatures dans le monde, il faut honorer cette République où on a la chance de vivre.

«Je suis également inquiet des sondages annonçant une percée inhabituelle du FN en Bretagne. Il faut que les Bretons aillent voter pour montrer que cette région est toujours une terre de paix, de calme et de courtoisie. La deuxième raison qui me rend plus que jamais accro aux urnes, ce sont les événements du 13 Novembre. Il faut démontrer à tous ces barbares que la France est là, debout, rassemblée, que l’on vit dans une vraie démocratie, que l’on peut aller voter dans la sérénité. C’est aussi une forme d’hommage aux victimes. On a vu ces fleurs déposées devant le Bataclan, il devrait aussi y en avoir devant les urnes  !»

(Photo Jean-Michel Malgorn)

Malika Mokeddem, auteure d’une dizaine de romans, à Montpellier depuis près de quarante ans (Languedoc Roussillon-Midi Pyrénées).

Malika Mokeddem«J’irai voter. Plus que jamais. Le FN est devenu une force majeure et risque désormais d’arriver bientôt aux commandes de la France. Notre démocratie a nourri en son sein un monstre qui risque de la dévorer. Les conclusions du second tour de ces régionales, ce sera 2017, les chances de Marine Le Pen pour 2017. On doit donc espérer, comme pour la réélection de Chirac en 2002, un sursaut des citoyens mais aussi des politiques  : les vrais démocrates, de droite comme de gauche, doivent comprendre que, face au FN, ils sont du même bord. On ne peut pas laisser un si beau pays gouverné par des idées mortifères.

«Je me considère comme méditerranéenne. Née en Algérie il y a soixante-six ans, j’ai aussi la nationalité française depuis 1982. J’ai quitté mon pays à cause de la montée de l’intégrisme. Les pays occidentaux ont mis longtemps à la prendre en compte et à comprendre qu’elle avait traversé la Méditerranée. Pendant ce temps, le FN, chez nous, a progressé. Etrangement, je ressens la même inquiétude face à la montée du FN que lorsque je vivais en Algérie, dans les années 70, et que nous vivions cet intégrisme croissant… Mais il me semble qu’aujourd’hui, ici et maintenant, le danger est encore plus grand.»

(Photo Yves Tennevin-Flickr)

Philippe Quesnot, créateur du site Glougueule, auteur de «Trente nuances de gros rouge» (Provence-Alpes-Côte-d’Azur)

Philippe Quesnot«Même malade, même mourant, je me traînerai aux urnes. Ici, dans les Alpes-Maritimes, au deuxième tour, on aura le choix entre la peste brune du FN et le choléra Christian Estrosi. Moi, je fais partie des gens proches de Nouvelle Donne mais je ne pense pas qu’ils fassent plus de 3 %. Mais, c’est essentiel d’aller voter. J’ai la chance d’avoir des enfants qui sont sur la même longueur d’onde que moi. Quand ils étaient mômes, je leur ai expliqué qu’on a la chance de vivre dans une démocratie où chacun peut ramener sa bouche ; que depuis cent ans, on vit dans un pays où l’Etat et l’Eglise sont séparés, qu’on n’est pas tenu de dire «je crois en Dieu» après chaque discours. Aujourd’hui, je m’inquiète pour la laïcité. Quand tu entends que Marion Maréchal Le Pen veut couper les subventions au Planning familial et que 40 % des gens pourraient voter pour elle, ça fait vraiment chier. Dans mon entourage, tout le monde va voter. J’ai bien un copain qui était au PC, il dit qu’il n’ira pas voter. Je lui dis qu’il ne peut pas faire ça. Mais au fond, je sais qu’il est comme moi, on aura du mal à mettre notre bulletin pour Estrosi au second tour, mais on va le faire.»

(Photo Edition de l’Epure) 

Gilles Stassart, cuisinier et écrivain, vit entre la France et le Japon

Gilles Stassart«J’ai toujours adoré cette histoire de Marie-Antoinette qui veut donner de la brioche au peuple affamé, puisqu’il n’y a plus de pain pour le calmer. Un peu avant, pour être certain d’avoir la paix, les Romains, selon Juvénal, avaient adjoint à la gamelle le spectacle horrifiant des jeux du cirque. La politique et la satisfaction des estomacs ont souvent fait la paire dans les ambitions simplistes et populistes. Un meilleur des mondes totalitaires pourrait, en effet, tout à fait se réduire à ce micro cercle où les individus, autocentrés, gavés et décérébrés, formeraient l’intestin permettant à une poignée de puissants de faire choux gras. On n’en est pas si loin. Dans une société paradoxalement en crise et toujours aussi consumériste, la démocratie n’est ni un gadget de plus ni un marronnier. La démocratie a ça de passionnant, qu’elle interroge un monde toujours aussi vaste et complexe (peut-être tordu aussi ?). Elle dépasse le cadre des cases à cocher. L’enjeu n’est pas la réponse, mais bien la capacité que nous avons à nous poser des questions.»

(Photo Stassart))

Pierre-Henri Allain à Rennes , Haydée Sabéran à Lille , Jacky Durand , Maïté DARNAULT à Lyon , Jean-Manuel Escarnot à Toulouse , Stéphanie Harounyan à Marseille , Sarah Finger à Montpellier , Noémie Rousseau à Strasbourg