Face à la crise agricole, les réponses évasives du monde politique

Soyez-en certain : les agriculteurs, les politiques les ont compris. A la question «Comprenez-vous cette colère ?», c’est l’unanimité. Florilège : «Oui, je comprends cette colère, je comprends ce qu’il se passe» (Jean-Vincent Placé, nouveau secrétaire d’Etat, lundi, sur France 2) ; «La colère agricole, on ne peut que la comprendre» (Florian Philippot, interrogé par Public Sénat) ; «Mais comment ne pas la comprendre ?» (David Cormand, secrétaire national intérimaire d’Europe Ecologie-les Verts) ; le député LR Christian Jacob évoque une crise «qui dure et d’une violence inouïe pour les producteurs».

Multipliant les pistes de recherche, les représentants politiques présents ce matin dans les médias ont pourtant peiné à avancer des propositions consistantes et détaillées pour tirer le secteur agricole d’une crise profonde.

Alors que les agriculteurs, «débordés par la paperasse», dénoncent notamment des «contraintes administratives insupportables», le néo-secrétaire d’Etat en charge de la Réforme de l’Etat et de la Simplification, Jean-Vincent Placé, fait partie des mieux placés pour aider les agriculteurs.

Pour l’ancien président du groupe écologiste au Sénat, «le cœur du débat» se situe dans «la crise de production, de surproduction, et donc la baisse de prix des cours mondiaux».

S’il n’explique pas comment la France pourrait faire entendre sa voix sur le sujet, Jean-Vincent Placé semble convaincu que les progrès viendront des réformes déjà initiées par le gouvernement : «Il y a des solutions nationales ; elles ont été mises en place par le Premier ministre et par Stéphane Le Foll [ministre de l’Agriculture]. C’est la question des aides d’urgence – 700 millions [d’euros, à l’été 2015, ndlr], c’est la question de la baisse des cotisations sociales et c’est aussi l’accélération du paiement des aides. […] La réalité, c’est la parole politique, ce sont les actes et dans quels délais on peut essayer d’aider ceux qui sont en difficulté.» Une interprétation visiblement à rebours de celle des agriculteurs qui, après François Hollande samedi, ont réservé un accueil glacial à Manuel Valls lundi.

«Traité transatlantique»

Prompt à fustiger «les responsables politiques de droite et de gauche [qui] arpentent ce salon pour ne rien annoncer de nouveau», Florian Philippot n’a pour autant, lui non plus, pas apporté davantage de réponses précises à la crise actuelle.

Au cours de neuf minutes d’interview consacrées à la seule question agricole, le vice-président du Front national a largement pointé du doigt – outre l’action des gouvernements successifs – le rôle de «Bruxelles», «la suppression des quotas laitiers» et le «traité transatlantique». Mais, en panne de solutions, il n’oppose qu’un hypothétique «coup de pouce à la production française» via la «mise en place d’un patriotisme agricole» dont il ne précise pas les modalités.

(à partir de 0’40 » sur la vidéo)


Pour sa part, David Cormand reconnaît que son parti, Europe Ecologie-les Verts, peine à se faire entendre du monde paysan : «Il y a parfois une incompréhension entre le projet écologiste et celles et ceux qu’il pourrait aider. Pourquoi ? Parce qu’il y a des inerties dans la société […] et, pour des gens qui sont déjà prisonniers d’un système et qui le vivent mal, leur dire en plus de changer, c’est très dur à entendre.»

Au micro de France Info, David Cormand a appelé à «un deal gagnant-gagnant avec les agriculteurs», qui permettrait la transition «d’une agriculture industrielle à une agriculture paysanne», sans davantage de précisions. Et de répéter : «Le salut n’est que dans le changement.»

(à partir de 2’15 » sur la vidéo)

Plusieurs fronts

Pour penser le renouveau de l’agriculture française, y aurait-il finalement mieux placé que Christian Jacob ? Le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, lui-même ancien exploitant agricole, était l’invité de France Inter ce matin.

S’il a parfaitement résumé la situation à travers son cas personnel (le lait se vendait plus cher dans les années 80 qu’actuellement, alors que les charges se sont depuis multipliées pour les producteurs), noté le manque de réactivité du gouvernement face à la crise, le député de Seine-et-Marne est pourtant resté aussi flou que ses homologues.

Peut-être parce qu’il n’y a, dans l’immédiat, pas de solution claire et simple à apporter aux agriculteurs ? «Il n’y a pas la réponse clé qui va permettre de tout résoudre, et donc il y a plusieurs fronts. Il faut effectivement agir sur le plan national, sur le plan européen, sur la préparation des accords internationaux… Et tout ça justifie effectivement une explosion des agriculteurs et un sentiment de détresse affreux.»

Sylvain Moreau